Dans un revirement inattendu, le Gouvernement flamand a annoncé cette semaine la dissolution du Musée d’art contemporain d’Anvers (M KHA) et le transfert de sa collection vers le Musée d’art contemporain (S.M.A.K) de Gand. Cette décision spectaculaire a provoqué une onde de choc dans le monde de l’art européen, tandis que des protestations et des pétitions se multiplient en soutien à l’institution belge.
Fondé en 1987, sur base de la collection de l’ex-Fondation Gordon Matta-Clark et dirigé alors par Flor Bex, le M KHA conserve quelque 8 000 œuvres et présente aussi bien des expositions monographiques que collectives. Selon le nouveau projet gouvernemental, le musée serait transformé en centre d’art, qui continuerait d’accueillir des expositions tout en intégrant des ateliers et des résidences d’artistes.
« L’idée même de priver Anvers de son musée et d’envoyer sa collection unique à Gand – vers une institution dotée d’une forte identité, mais déjà confrontée à d’importants défis structurels – semble tout simplement… aberrante », estime Dieter Roelstraete, conservateur au M KHA de 2003 à 2011. Il juge cette décision « absurde, à courte vue et manifestement motivée par des considérations politiques que l’on pensait révolues depuis longtemps ».
Ce véritable séisme pour le monde culturel anversois, flamand et belge est la conséquence d’une vaste restructuration du paysage muséal flamand désormais articulé en trois pôles. L’art classique est développé autour de l’institution de référence que constitue le Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) – récemment rénové en profondeur – et deux plus petits établissements associés. L’art moderne du XXe siècle, à travers ses écoles belges (abstraction, surréalisme, expressionnisme), est maintenu au MuZee d’Ostende et à ses quatre satellites monographiques. Le pôle contemporain international, jusqu’alors bicéphale avec le S.M.A.K à Gand et le M HKA à Anvers, voit désormais le musée gantois désigné seul comme institution de référence en la matière.
Le 3 octobre 2025, le M KHA s’est vu notifier l’annulation de son projet de nouveau bâtiment, un chantier de 130 millions d’euros préparé depuis près de dix ans. À cette occasion, Caroline Gennez, ministre socialiste (parti Vooruit) du Bien-Être, de la Lutte contre la Pauvreté, de la Culture et de l’Égalité des Chances du Gouvernement flamand, avait pourtant assuré que le musée continuerait de jouer un rôle essentiel dans le paysage artistique belge, tout en garantissant le maintien des emplois, selon l’agence Belga.
Mais quelques jours plus tard, le musée a appris que son financement serait supprimé et que sa collection serait intégrée à celle du S.M.A.K. de Gand. Les deux institutions fusionneraient pour former le Musée flamand d’art contemporain et actuel, dont la création est prévue d’ici 2028.
Le M KHA n’avait pas été préalablement prévenu de cette décision, a confirmé à The Art Newspaper son directeur depuis 2002, Bart De Baere.
Considéré comme l’un des musées d’art contemporain les plus respectés d’Europe, le M KHA doit beaucoup à Bart De Baere, figure centrale de la scène muséale. Ce dernier a été conseiller du ministre flamand de la Culture pour le patrimoine et l’art contemporain (1999-2001), conservateur adjoint au Musée d’art contemporain de Gand auprès de Jan Hoet (1986-2001), et l’un des commissaires à la Documenta IX à Cassel en 1992. Cofondateur en 2009 du réseau L’Internationale, il a joué un rôle clé dans la coopération entre institutions à l’échelle européenne, tout en ayant été parmi les premiers directeurs de musée à élargir la programmation et les acquisitions à une véritable dimension mondiale.
« La disparition annoncée de cet héritage, à travers la dissolution de la collection du M KHA, marque la défaite de plus de trente ans d’un travail audacieux en matière de collection et de programmation », déplore Dieter Roelstraete.
