Paulo Nimer Pjota : Os alquimistas estão chegando
Venu du street art, figure importante de la scène artistique brésilienne depuis une dizaine d’années, Paulo Nimer Pjota mixe dans sa peinture les genres et les références et se compare à un producteur de hip-hop. Depuis environ deux ans, il aborde des sujets plus intimes tout en élargissant son répertoire iconographique. Le titre « Os alquimistas estão chegando » (les alchimistes arrivent), emprunté à une chanson de Jorge Ben, témoigne de son ambition. Au centre de chacun de ses nouveaux tableaux se trouve un vase, porcelaine chinoise ou poterie grecque, débordant de fleurs. Le vase est placé au milieu d’un paysage avec une séparation nette entre ciel et sol, il agit comme un point de d’ancrage dans la réalité et le support des rêveries. Autour de l’objet s’agitent des guirlandes de fleurs qui peuvent former un point d’interrogation ou offrir des visages. On rencontre aussi des figures animales et d’autres humanoïdes qui s’offrent comme gardiens des mystères. Parfois, on touche à l’épique comme dans ce tableau où un vase à motif de trière grec est ballotté par les flots. La délicatesse des couleurs, les ciels délavés dans la même tonalité que le sol, le mariage de l’huile, de l’acrylique et de la tempéra, contribuent à l’envoûtement. Sur la totalité des murs, l’artiste a peint en noir et gris, avec quelques touches de jaune, des figures animales ou grotesques. Elles soulignent, commentent, nous relient aux tableaux, particulièrement lorsque des coléoptères se dressent sur leurs pattes pour contempler une œuvre accrochée au-dessus de leur tête.
Du 6 septembre au 8 octobre 2025, Mendes Wood DM, 25, place des Vosges, 75004 Paris

Vue de l’exposition « Lee Kang So : Dwelling in Mist and Glow » chez Thaddaeus Ropac, Paris. Courtesy de l’artiste et Thaddaeus Ropac. Photo Pierre Tanguy
Lee Kang So : Dwelling in Mist and Glow
En 1975, pour sa participation à la Biennale de Paris, Lee Kang So confiait le rôle de l’artiste à un poulet qui, attaché à un piquet, couvrait le sol de poudre de craie de ses empreintes. Cette performance a été renouvelée le jour du vernissage en septembre 2025 et le fruit de cette collaboration homme animal reste exposé en même temps qu’une série de photographies de l’événement d’il y a cinquante ans. Au cours de la décennie 1970, Lee Kang So s’est livré à des performances, ou events, autour de l’acte de peindre. Dans l’une d’elles, il a couvert son corps nu de peinture et s’est essuyé contre la toile blanche comme au sortir d’un bain. C’est une double référence à Yves Klein et au suaire, mais le résultat est abandonné au sol, en toute humilité. À la même époque, il emprunte le dispositif consistant à peindre sur une plaque de verre devant la caméra, mais ce qu’il peint est un monochrome derrière lequel il disparaît. Dans ses tableaux aussi l’artiste poursuit son dialogue avec les artistes occidentaux, et semble parfois répondre à la façon dont ceux-ci ont pu s’emparer de la calligraphie et de concepts asiatiques. Un tableau de très grand format de 2016 montre deux larges traits noirs partis chacun d’un bord de la toile et qui, après avoir formé une boucle, se rencontrent de manière explosive au centre. Ce sont l’élan et l’énergie qui l’emportent sur l’écriture et la composition. Dans d’autres tableaux, il remet en jeu des poncifs de la peinture, tel l’image du cerf, et les confronte à des maillages de traits qui rappellent très nettement les gestes du performeur.
Du 12 septembre au 11 octobre 2025, Thaddaeus Ropac, 7 rue Debelleyme, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Laëtitia Badaut Haussmann : Le Cœur et les poumons » à la Galerie Allen. Courtesy de l’artiste de Galerie Allen. Photo Aurélien Mole
Laëtitia Badaut Haussmann : Le Cœur et les poumons
« Le cœur et les poumons » est un titre qui réunit en les distinguant les deux expositions simultanées de Laëtitia Badaut Haussmann. Côté poumons, à la galerie Allen, ce sont des dizaines de classeurs, contenant des milliers d’images de fumeurs de toutes provenances, rangées dans des étagères basses. Les classeurs sont offerts à la consultation et quelques rares images en ont été extraites pour être présentées aux murs. Le caractère imposant de cette archive est contrebalancé par un empilement de cubes de verres acryliques au contenu des plus discrets. Un blister pour paquet de cigarettes, un mégot de blonde, preuves dérisoires et belles dans cette enquête sur des jeux de pouvoir.
Côté cœur, à la galerie Emanuela Campoli, la recherche mord plus ouvertement sur la fiction. Laëtitia Badaut Haussmann a recadré, agrandi et tiré en noir et blanc quelques photos de la revue Maison Française : un sac à main en croco d’où s’échappent quelques objets, un grand chat noir portant une parure de bijoux. Cela situe le monde et cela ressemble à un commencement d’histoire. Surtout lorsque la photo du sac est associée à quelques verres posés au sol qui contiennent un mélange d’alcool et de détersif. Ce cocktail à haute toxicité marque-t-il la rencontre du mondain et du domestique, de la débauche et de la purification ?
Le fil conducteur est une réflexion sur la manière dont l’habitat recoupe les questions de genre. Les rideaux aux fenêtres portent des phrases extraites de La Passion selon G.H. de Clarice Lispector, et un paravent métallique est tapissé de photos de films d’horreur. Laëtitia Badaut Haussmann associe les idées et les thèmes à la façon d’une essayiste, multiplie les jeux de miroir entre documentaire et fiction.
Du 6 septembre au 11 octobre 2025, Galerie Allen, 6 passage Sainte-Avoye, 75003 Paris ; Emanuela Campoli, 4-6 rue Braque, 75003 Paris

Pierre Thoretton, Eden XII, tirage jet d’encre piezographique sur papier Baryté contrecollé sur aluminium, 130 x 160 cm, édition en 3 exemplaires. Courtesy de l’artiste
Pierre Thoretton : Dans le bois dormant
En choisissant la chambre et le noir et blanc pour photographier des forêts du sud de la France, Pierre Thoretton met en retrait une forme de subjectivité et affirme l’ambition de se mesurer au tableau. Ce qui, il y a quelques dizaines d’années, serait apparu comme un parti pris avant tout esthétique, prend aujourd’hui valeur d’engagement écologique. La façon dont il s’approche de son sujet autant que la qualité de la lumière produit un aplatissement de la perspective, et donne à la végétation un saisissant relief. Au all-over s’ajoute un effet quasi haptique. Cette façon de s’effacer devant la puissance du végétal fait songer à Théodore Rousseau plus encore qu’à un modèle abstrait. Une photo en particulier capture l’attention par son caractère irréel malgré sa netteté maximale. On y voit une ouverture sur un plan d’eau, presque une flaque, au milieu d’un réseau de branches et de branchages. Sur ce plan d’eau se reflète une portion du fût d’un arbre. L’irréalité vient de ce que le reflet se prolonge vers nous par une branche réellement incarnée. C’est comme une longue ligne brisée qui divise en deux un fouillis de lignes et fait entrevoir un ordre.
Du 18 septembre au 11 octobre 2025, exposition organisée par mmartproject C/O Galerie Eberwein, 22 rue Jacob, 75006 Paris
