Anton (1938-2021) et Annick Herbert ont toujours eu la volonté de maintenir leur collection dans le pays et de l’ouvrir, tant que faire se peut, au public pour la partager avec lui. Après plusieurs tentatives avortées de l’adosser à des institutions, mais rétifs à tout compromis qui toucherait à l’intégralité et à l’esprit de leur collection, en 2008, ils franchissent le pas et décident de pérenniser leur œuvre en créant la Herbert Foundation.
Cette fondation d’utilité publique s’articule sur un double ensemble : celui de leurs œuvres d’art et celui de leur riche fonds d’archives qui y correspond (cartons d’invitations, tracts, livres et revues d’artistes, catalogues d’expositions, etc.), les unes n’allant pas sans les autres. La Fondation ouvre en 2013, permettant ainsi au public d’avoir accès à des œuvres emblématiques d’artistes européens et américains qui ont marqué l’histoire de l’art de la fin des années 1960 à la fin des années 1980, la collection s’arrêtant en 1989, date de la chute du Mur de Berlin. Elle se compose d’une quarantaine d’artistes.
Deux générations s’y côtoient, celles des représentants de l’art conceptuel, du minimalisme et de l’arte povera, ainsi qu’une seconde, plus éclectique, celle des années 1980 avec Jean-Marc Bustamante, Mike Kelley, Martin Kippenberger, Thomas Schütte, Jan Vercruysse, Franz West entre autres. Pour les Herbert, elle apparaît comme « un document temporel subjectif, révélant à la fois leurs contradictions et leurs analogies », tout en restant empreinte de leurs principes initiaux : une radicalité à toute épreuve, un engagement sans compromis et un soutien indéfectible aux artistes retenus.
De leur vivant, les Herbert ont pris bien soin de consolider et pérenniser l’aventure de leur vie à laquelle ils ont consacré plus de cinquante ans, leur découverte de l’art contemporain remontant en 1972, à la Documenta 5 à Cassel, dirigée par Harald Szeemann : difficile de trouver meilleure école. S’ensuivirent d’incessants voyages et visites dans les galeries et institutions en pointe de l’époque, en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, à Londres, à Paris ou ailleurs en Europe. Pour eux – car on les voyait toujours ensemble - – les rencontres et les échanges avec les artistes étaient primordiaux, puisqu’ils ne pouvaient imaginer acquérir une œuvre sans bien en connaître l’auteur.
Si au premier abord Annick pouvait sembler être quelque peu en retrait – on le doit à la stature imposante de son mari –, ils formaient en réalité un binôme équivalent. Pour le sculpteur Didier Vermeiren, un des rares artistes belges de leur collection, « Annick était toujours à ses côtés, y compris pour toutes les décisions concernant la collection. C’était une femme joyeuse, très attentive en toutes circonstances. Son avis était très important pour Anton ».
Dorénavant, la Fondation continue à se développer comme centre d’exposition et de connaissance, se chargeant de pérenniser, générer et partager les nouveaux apports sur les évolutions internationales de l’histoire de l’art des années 1960 à 1980. En accord avec la vision de ses fondateurs, elle réserve une place centrale à l’artiste et à sa pratique, sous la supervision de la directrice Laura Hanssens, et du président du Conseil d’Administration, Pierre Iserbyt. Celui-ci souligne aussi combien « Annick a été indispensable et déterminante à la construction de la collection. C’était une femme qui possédait des connaissances approfondies et aiguës de l’art contemporain ». Elle ne verra malheureusement pas la concrétisation de l’importante exposition que la Fondation consacrera fin octobre à Lawrence Wiener, un des artistes qu’ils ont suivis depuis toujours.
