Au-delà de son titre festif – qui l’inscrit bien à propos dans le cadre de la thématique « Fiesta » de la 7e édition de Lille3000 –, « Fêtes et célébrations flamandes » est une ambitieuse et remarquable exposition, qui plonge le visiteur, à travers les festivités publiques, dans l’authentique vie sociale des XVIe et XVIIe siècles dans les anciens Pays-Bas, un territoire auquel appartenaient alors les villes d’Arras, Cambrai, Valenciennes et Lille, en France, tout comme celles d’Anvers, Gand, Bruxelles et Namur, en Belgique.
On se rend dès lors compte que de nombreuses traditions de cette époque résonnent toujours, faisant écho aux actuelles sorties annuelles de géants, kermesses, ducasses*1, cérémonies de « l’arbre de mai » ou encore Ommegang de Bruxelles – même si ce cortège folklorique est avant tout une
reconstitution historique.
DES DÉTAILS SAVOUREUX
Réalisée en partenariat étroit avec le musée du Louvre, à Paris, et les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles, l’exposition bénéficie de prêts d’institutions étrangères prestigieuses, tels le Rijksmuseum, à Amsterdam, le Prado, à Madrid ou le Kunsthistorische Museum, à Vienne. On peut ainsi admirer et comprendre dans leur contexte des œuvres de premier plan de Pieter Brueghel l’Ancien, Pieter Brueghel le Jeune, Pierre Paul Rubens, Jacob Jordaens, David Teniers et bien d’autres maîtres des écoles flamandes.
Débauche de couleurs, compositions denses, formats parfois hors normes – allant jusqu’à de somptueux panoramiques –, toutes les peintures déploient plusieurs volets narratifs que les commissaires ont développés en quatre sections d’importance variée. Les fêtes sont évoquées à travers le prisme des guerres, des prestigieuses cérémonies urbaines (telles les Joyeuses Entrées) puis des kermesses et autres réjouissances villageoises comme des mariages et, enfin, des fêtes de cour royale ; cette dernière section est construite autour d’une version de la célèbre toile Le roi boit (vers 1638-1640) de Jacob Jordaens. Ces scènes de bombance et de festivités de tout ordre ont fini par former un genre pictural à part entière, avec ses codes, ses messages et ses innombrables détails truculents qui leur confèrent une indéniable authenticité.
La période des XVIe et XVIIe siècles, qui voit éclore ces festivités, est marquée par la guerre de Quatre-Vingts Ans (1568-1648), laquelle a profondément impacté ces régions, en outre régulièrement victimes d’épidémies et de famines. Les fêtes, principalement estivales, constituent dès lors un exutoire bienvenu dans ce contexte de longues crises, qui plus est dans ces temps où l’Église et l’État ont une influence considérable sur une société hiérarchisée et encore corporatiste.
Les multiples représentations de célébrations et manifestations populaires montrent aussi comment le pouvoir clérical tente de réguler les excès festifs, alors que le pouvoir séculier s’appuie parfois sur celles-ci, soit pour affirmer son autorité (à l’instar des cérémonies grandioses aux décors monumentaux des Joyeuses Entrées), soit pour s’afficher proche du peuple (ainsi lorsque les archiducs Albert et Isabelle de Habsbourg s’invitent à des mariages ruraux).
Cette exposition à la scénographie soignée s’avère beaucoup plus complexe et dense que son intitulé pourrait le laisser supposer. Elle pointe déjà les profondes différences culturelles et sociales entre les fêtes villageoises et leurs équivalents urbains.
*1 Fêtes populaires de Belgique et du nord de la France, souvent associées à des processions religieuses ou à des festivités folkloriques.
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« Fêtes et célébrations flamandes, Brueghel, Rubens, Jordaens… », 26 avril-1er septembre 2025, palais des Beaux-Arts, place de la République, 59000 Lille.
