Une foule massive, composée de 100 000 à 200 000 personnes, a défilé samedi 28 juin 2025 à Budapest pour la Marche des fiertés, bravant une interdiction voulue par l’autoritaire Premier ministre hongrois Viktor Orban. En mars, une loi était venue sanctionner toute participation à ce type d’événement d’une amende pouvant aller jusqu’à 500 euros et d’une peine de prison d’un an. Immédiatement, de nombreuses personnes s’étaient mobilisées contre cette mesure en bloquant le soir les ponts de la capitale. Le 12 avril, 10 000 personnes habillées en gris s’étaient réunies pour s’opposer à cette censure. La même semaine, était inaugurée au Ludwig Museum of Contemporary Art à Budapest l’exposition « In A Field Well-Found – Artistic Practices from the Marcel Duchamp Prize’s 25 Years », une autre poche de résistance en faveur de la liberté d’expression réunissant dix-huit artistes de la scène française ayant participé au Prix Marcel-Duchamp.
Lors de la cérémonie d’ouverture, Zsolt Petranyi, historien de l’art, directeur général adjoint pour les affaires scientifiques au Musée des Beaux-Arts - Galerie nationale hongroise, avait rappelé dans son discours le rôle qu’ont joué les expositions organisées par l’Institut français de Hongrie dans les années 1980 pour sensibiliser la scène locale aux nouveaux médias et la confronter au monde de l’art international. Selon lui, la présentation aujourd’hui d’artistes de la scène française à l’initiative de l’Adiaf permet d’aborder des notions telles que les effets du colonialisme, la cohabitation des différentes ethnies et, « les différents aspects de l’exercice du pouvoir ». Et de conclure fort à propos : « ce prix et cette sélection envisagent de présenter un art qui a quelque chose à dire, qui est capable de résister au temps et aux changements fulgurants de l’histoire contemporaine pour pouvoir faire entendre son message instructif aussi bien au présent qu’à l’avenir ».
Dans les salles du musée, sont présentées jusqu’au 24 août 2025 les œuvres de Kader Attia, Mohamed Bourouissa, Julian Charrière, Julien Creuzet, Noémie Goudal ou Camille Henrot, sélectionnées par les commissaires Jan Elantkowski et Borbála Kálmán. Ainsi, la pièce Don’t Judge, Filter, Shoot (2012) de Mircea Cantor, constituée de tamis, est une métaphore de la manière dont le pouvoir et les conflits passent au filtre de l’histoire. Thomas Hirschhorn présente un dessin intitulé Natural friends, natural ennemies, figurant l’art en son centre et mettant en exergue ses relations avec l’autorité, l’administration et le gouvernement – mais aussi avec l’industrie de la mode. De son côté, Maja Bajevic expose ses propres cheveux dans une démarche hautement féministe. Plus loin, Bertille Bak dévoile sa vidéo Mineur Mineur sur des enfants obligés de travailler dans des mines. Au-dessus des cinq écrans, se déploie, maladroitement tracé à la peinture à tempera sur du carton, un arc-en-ciel. Il n’y a pas de hasard.
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« In A Field Well-Found - Artistic Practices from the Marcel Duchamp Prize’s 25 Years », jusqu’au 24 août 2025, Ludwig Museum – Museum of Contemporary Art, Komor Marcell utca 1., Budapest, Hongrie