Brice Marden : Works on Paper
Le dessin a toujours été pour Brice Marden sur un pied d’égalité avec la peinture. Les œuvres sur papier ont souvent initié les innovations et changements d’orientations survenus plus tard dans les tableaux. Cette présentation nous offre un généreux panorama des vingt dernières années d’activité de l’artiste, depuis les Zen Studies, marquées par la calligraphie, jusqu’aux Seasons Studies, véritables tressages de traits et de taches. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer dans ceux-ci : la rigueur de la construction qui n’outrepasse jamais les limites du format, ou la façon dont les touches de couleur viennent s’insérer dans le premier tracé linéaire ou s’y superposer avec mille nuances dans l’attaque.
On redécouvre les Zen Drawings, ces grandes boucles noires inspirées par des pierres de jardin japonais, et en grande partie corrigées par le blanc (la couleur de la correction, selon Marden). Le recouvrement est un geste créatif et un moyen de laisser voir par transparence la partie absentée du dessin d’origine.
Les dessins les plus récents sont, comme les tableaux tardifs, marqués par la couleur terre verte, et comprennent comme eux une bande horizontale vierge dans la partie inférieure qui rappelle une prédelle. Par exception, dans River Study 1 et River Study 2 de 2015, cette bande horizontale est en partie couverte de maculations. River Study 2, un projet de tableau, est fait de quatre rectangles monochromes verticaux peints sur des papiers de couleur terre verte et réunis en un polyptyque. Les monochromes présentent trois nuances de vert ou proche du vert, le quatrième est plutôt brique. En dessous de chacun d’eux, on voit de fines coulures, presque une transpiration, teintées par le fond. Cette étude est un éblouissant témoignage de la manière dont Marden a, dans son œuvre, su unir rigueur abstraite, sens de la proportion et influence de la nature.
Du 14 juin au 2 août 2025, Gagosian, 4 rue de Ponthieu, 75008 Paris

Vue de l’exposition « Seth Price : Free Fall » à la Galerie Chantal Crousel. Courtesy de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel. Photo Jiayun Deng
Seth Price : Free Fall
Pour ses premières peintures entamées il y a environ trois ans, Seth Price avait eu recours à un logiciel d’animation 3D. Aux différentes figures peintes sur la surface d’aluminium, il superposait de larges bracelets d’acier rendus avec une précision photographique pour produire un effet de trompe-l’œil. On retrouve la présence de ces bracelets pour cette nouvelle série de peintures sur fond noir, mais avec un accent particulier mis sur les effets de miroir, effets multipliés par la présence d’autres accessoires ou de surfaces réfléchissantes. Mêlant l’acrylique et l’impression UV, Price se sert de l’intelligence artificielle avec le plaisir déclaré de faire œuvrer ensemble humain et non-humain sous la forme du geste et du calcul. « Free Fall » nomme peut-être la façon dont Price conçoit la composition de ses tableaux, des objets, des images, mais aussi des mots, dispersés sur un fond de nature cosmique qui donne une unité à des compositions de nature très diverses. Tel tableau offre tout un répertoire de pictogrammes tracés d’un trait bleu et ceux-ci sont reflétés dans des polyèdres de cristal (Cylinder Seal). Tel autre dépeint une scène de science-fiction dans laquelle des figures d’aliens surgissent au milieu d’espaces tordus (Exis Antrit). Dans un autre encore, l’artiste s’approche de l’abstraction en confrontant une large coulée de peinture et son reflet à l’intérieur d’un large cylindre d’acier qui occupe le centre de la composition (Untitled). La touche du peintre franchit alors une nouvelle étape dans son autonomie pour se lancer dans une aventure spatiale. Afin d’apporter à ces compositions vertigineuses l’éclairage de la réalité, Price a introduit en certains endroits des miroirs convexes pour des vues fisheye de lui dans son atelier ou des paysages. Par cet ajout insolent, il retrouve un lien avec l’histoire de la peinture et ses genres.
Du 13 juin au 26 juillet 2025, Galerie Chantal Crousel, 10 rue Charlot, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Tonio Kröner : Free Won’t » chez Edouard Montassut. Photo Gina Folly. Courtesy de l’artiste et Edouard Montassut
Tonio Kröner : Free Won’t
Pour son exposition de peinture, Tonio Kröger a confié l’accueil à deux grandes figures du genre Muppet show. Le texte de présentation, signé par l’artiste, est poétique et crypté. Il y est question notamment d’un homme sur une corde, en référence à une œuvre énigmatique d’Honoré Daumier. Dans celle-ci, la corde divise le tableau en deux parties, l’une travaillée, l’autre presque vierge. Tonio Kröger a repris le contour de cet homme suspendu dans le vide avec ses pieds vus en raccourci. Autour de ce motif, il construit des variations sur la division de la toile, y superpose un cercle translucide, distribue quelques coups de brosse, usant principalement du fuchsia et du jaune. La référence sert ici à une recherche picturale et à une interrogation sur le rôle de l’artiste et sa difficulté à se situer. Pour ajouter une grande touche de couleur et un autre niveau d’étrangeté, Tonio Kröger a rapporté de son intérieur berlinois un grand morceau de tissu rose, peut-être une nappe ou un couvre-lit, marqué par une tache circulaire d’insolation. Il a tendu le tissu sur un châssis faisant de celui-ci un parfait tableau, le plus grand de tous ceux exposés. Sa simplicité et son efficacité célèbrent la peinture et envoient un sourire aux questionnements du peintre.
Du 6 juin au 19 juillet 2025, Edouard Montassut, 61 rue du Faubourg Poissonnière, 75009 Paris

Vue de l’exposition « Apollinaria Broche : The Unspoken Rules of Secret Play » à la Galerie Hussenot. Courtesy de l’artiste et Galerie Hussenot. Photo Aurélien Mole
Apollinaria Broche : The Unspoken Rules of Secret Play
Des flèches et des sabres qui sortent des murs pour surprendre le visiteur, une échelle souple posée dans un angle pour s’échapper du white cube. Si elle se souvient de quelques gestes radicaux de l’art contemporain, c’est pourtant un autre type de récit qu’Apollinaria Broche dessine dans l’espace avec ses fines sculptures de bronze. Cela s’annonce comme un conte initiatique avec des changements de perspective et d’échelle : une femme araignée tendue sur ses pointes, des mains qui jouent au berceau du chat et une structure de maison miniature suspendue à l’envers au plafond.
Au premier étage nous attendent trois fleurs géantes aux tiges et feuilles de bronze clair mais dont les pétales sont faits en céramique. Faudra-t-il choisir entre ces rivales ? Aux murs est accrochée une série de petites pièces en céramique, sortes de boîtes. À l’intérieur ou sur leurs bords sont suspendus de menus objets en bronze comme arrachés au souvenir ou sortis des rêves. Sur un mode allusif qui rappelle le surréalisme mais aussi la finesse de Fausto Melotti, Apollinaria Broche trouve de nouvelles armes pour capturer le visiteur.
Du 22 mai au 19 juillet 2025, Galerie Hussenot, 5 bis rue des Haudriettes, 75003 Paris
