Dix jours après que le président américain Donald Trump a affirmé sur les réseaux sociaux avoir renvoyé Kim Sajet, directrice de la National Portrait Gallery (NPG) à Washington, la Smithsonian Institution a publié un communiqué prenant, avec précaution, ses distances avec ces déclarations. L’institution, qui supervise la NPG ainsi que vingt autres musées, y réaffirme son statut d’« institution non partisane », attachée à rester « un pôle d’excellence scientifique, à l’abri de toute influence politique ou partisane ».
Sans mentionner ni Donald Trump, ni Kim Sajet, ni la NPG, la Smithsonian Institution rappelle toutefois, en substance, que le président n’a aucun pouvoir de révocation sur les personnels de l’institution. « Toutes les décisions en matière de personnel relèvent du secrétaire général, sous la supervision du conseil d’administration », précise le communiqué.
Et d’ajouter : « Pour renforcer notre positionnement non partisan, le conseil des régents a chargé le secrétaire général de formuler des attentes précises à l’égard des directeurs de musée et des équipes quant aux contenus présentés dans les musées de la Smithsonian Institution. Il leur accordera un délai raisonnable pour effectuer les ajustements nécessaires afin de garantir l’impartialité de ces contenus, et rendra compte au conseil des progrès réalisés, ainsi que d’éventuelles décisions en matière de personnel, en fonction des résultats. »
Dans une déclaration ultérieure au New York Times, un porte-parole de la Smithsonian Institution a précisé : « Il s’agit d’une mesure provisoire, qui n’exclut pas d’éventuelles décisions [ultérieures] en matière de personnel. »
Dans un message publié le 30 mai 2025, le président américain affirmait à propos de Kim Sajet : « Elle est une personne hautement partisane et une fervente défenseuse des initiatives en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), ce qui est totalement inapproprié pour sa fonction. »
Lorsque le Washington Post a révélé, la semaine dernière, que Kim Sajet continuait à exercer ses fonctions malgré les déclarations de Donald Trump, la Maison-Blanche a adressé aux journalistes une liste de 17 griefs contre la directrice de la National Portrait Gallery. Parmi ceux-ci figure un cartel accompagnant un portrait de Donald Trump, qui évoque « l’incitation à l’insurrection » lors des événements du 6 janvier 2021, ainsi que la double procédure de destitution engagée contre lui au cours de son premier mandat. La Maison-Blanche prend toutefois soin de rappeler que le président a été « acquitté par le Sénat lors des deux procès ».
Le secrétaire général de la Smithsonian Institution, Lonnie G. Bunch, fait face depuis le début du second mandat de Trump à une pression croissante et à des attaques publiques répétées de la part du président. Fin janvier, en réponse à un décret présidentiel signé par Donald Trump le jour même de son investiture – enjoignant les agences fédérales et les institutions bénéficiant de fonds publics à interrompre leurs programmes en matière de diversité, d’équité et d’inclusion –, la Smithsonian Institution avait mis fin à ses propres initiatives DEI.
Un second décret présidentiel, signé fin mars, a confié au vice-président J.D. Vance, en sa qualité de membre du conseil des régents de la Smithsonian Institution (composé de 17 membres), la mission de superviser le retrait de ce que le texte désigne comme des « doctrines clivantes centrées sur la race » au sein de l’ensemble des établissements de l’institution. Ce même décret demande également à J.D. Vance de refuser tout financement à des expositions ou œuvres qui seraient jugées comme « portant atteinte aux valeurs américaines communes ».
Actuellement, environ les deux tiers du budget annuel de la Smithsonian Institution – qui s’élève à 1 milliard de dollars (environ 930 millions d’euros) – proviennent de fonds fédéraux. Dans son projet de budget pour l’exercice 2026, Donald Trump propose de réduire cette dotation d’environ 12 %.
Selon le New York Times, au cours d’une conférence téléphonique tenue le 3 juin avec le conseil de la National Portrait Gallery, Kim Sajet a évoqué les répercussions potentielles d’une telle coupe budgétaire. Elle a également replacé les tentatives du président de la démettre dans un cadre plus large, les qualifiant de « simple élément » d’une offensive plus vaste menée par son administration pour resserrer son emprise sur la Smithsonian Institution.
Kim Sajet, citoyenne néerlandaise, est née au Nigeria et a grandi en Australie. Avant d’être nommée à la tête de la National Portrait Gallery en 2013, elle a dirigé pendant près de six ans la Historical Society of Pennsylvania, à Philadelphie. Auparavant, elle avait occupé durant sept ans les fonctions de vice-présidente et de directrice adjointe de la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, après avoir été pendant trois ans directrice des relations avec les entreprises au Philadelphia Museum of Art.
Dans une déclaration commune publiée après la tentative de révocation de Kim Sajet par Donald Trump, deux élus démocrates – Joe Morelle, chef de la minorité démocrate à la commission de l’administration de la Chambre des représentants, et Rosa DeLauro, cheffe de la minorité démocrate à la commission des crédits budgétaires – ont dénoncé une action illégale du président.
« Le président Trump n’a aucune autorité pour révoquer les employés de la Smithsonian Institution – y compris la directrice de la National Portrait Gallery, ont-ils déclaré. Le limogeage de la directrice Sajet est inacceptable et n’a pas davantage de poids juridique que les précédentes tentatives du président de saper l’indépendance de la Smithsonian Institution : absolument aucun. Si la Maison-Blanche souhaite un exemplaire de la Constitution, nous nous ferons un plaisir de lui en fournir un. »
