Le Kimbell Art Museum de Fort Worth, au Texas, a récemment acquis Le Melon entamé (1760), une nature morte de Jean Siméon Chardin, directement auprès de la famille Rothschild, après l’annulation d’une vente aux enchères à Paris en 2024. L’œuvre est exposée depuis le 22 mai 2025 dans la salle du musée consacrée aux natures mortes françaises du XVIIᵉ au XIXᵉ siècle.
« Le Melon entamé est l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la peinture française du XVIIIᵉ siècle, déclare Eric Lee, directeur du Kimbell, qui a mené les négociations avec la famille Rothschild. Ce n’est un secret pour personne : nous espérions depuis longtemps pouvoir accueillir une grande nature morte de Chardin pour notre collection. »
Le tableau avait été adjugé chez Christie’s à Paris en juin 2024 pour la somme record de 26,7 millions d’euros – un sommet pour une œuvre française du XVIIIᵉ siècle et un record absolu pour un maître ancien vendu en France, selon la maison de ventes. Mais l’acheteur, un promoteur immobilier italien basé à Saint-Moritz, Nanni Bassani Antivari, n’a jamais honoré son engagement. Christie’s a porté plainte à Paris, réclamant 195 000 euros de dédommagement.
La famille Rothschild a alors récupéré le tableau et l’a vendu directement au Kimbell, sans passer par Christie’s. Le montant de la transaction n’a pas été révélé, mais selon The Art Newspaper, il serait inférieur au prix d’adjudication de 23 millions d’euros, tout en restant largement au-dessus de l’estimation initiale, comprise entre 8 et 12 millions d’euros.
Le Kimbell était le sous-enchérisseur lors de la vente aux enchères, ce qui avait constitué un nouveau revers pour le musée texan dans sa quête d’une nature morte de Chardin. Un an plus tôt, il avait remporté chez Artcurial à Paris une autre œuvre du peintre, représentant un Panier de fraises des bois. Mais l’État français avait bloqué son exportation, permettant au musée du Louvre d’acquérir le tableau pour 24,3 millions d’euros, grâce à une vaste campagne de financement participatif.
Le Melon entamé, resté dans son cadre d’origine depuis sa présentation au Salon de l’Académie royale à Paris en 1761, a fait partie de collections historiques prestigieuses. Il formait à l’origine un pendant avec une autre nature morte, Le bocal d’abricots, entrée en 1962 dans les collections de l’Art Gallery of Ontario à Toronto. Les deux tableaux partagent un rare format ovale. Les deux toiles furent acquises au XVIIIᵉ siècle par Jacques Roëttiers de La Tour, orfèvre du roi Louis XV, avant d’entrer dans la collection de François Martial Marcille, l’un des premiers grands collectionneurs de Chardin. En 1876, Le Melon entamé fut vendu à Drouot dans la vente de la succession Marcille à Charlotte de Rothschild, veuve du baron Nathaniel de Rothschild. Il était resté depuis dans la famille jusqu’à sa cession au musée texan.