Sur les hauteurs d’Hyères, la Villa Noailles est l’un des fleurons de l’architecture moderne des années 1920, signé Robert Mallet-Stevens. Labellisé centre d’art contemporain d’intérêt national, le site offre des vues imprenables sur la Méditerranée et les alentours. Son cadre idyllique accueille chaque année, fin juin, la Design Parade Hyères, dont Andrée Putman fut la marraine lors de sa création en 2006. Le Festival international de design fête en 2025 sa 19e édition. Design Parade Toulon, le 9e Festival international d’architecture d’intérieur, lancé en 2016 avec le parrainage de Ronan et Erwan Bouroullec, se déroulera simultanément à l’Ancien Évêché de Toulon, autre site rattaché à la Villa Noailles. L’institution fêtera également en octobre la 40e édition du très couru Festival international de mode, de photographie et d’accessoires – Hyères.
Dans un rapport communiqué mi-mars aux collectivités territoriales qui subventionnent l’association loi 1901, créée en 1997, en charge du fonctionnement du centre d’art varois, le ministère de la Culture a alerté sur la gestion de la Villa Noailles. En cause, une dette ayant explosé, notamment auprès de fournisseurs. « La dette fournisseurs au 31 décembre 2023 était de 2,7 millions d’euros. Cette dette est en cours de règlement. La Villa Noailles a en effet d’ores et déjà réglé plus de 1,2 million d’euros de cette dette fournisseurs depuis le début de l’année 2025, avec une priorité donnée aux fournisseurs et artistes les plus en difficulté », se défend la Villa Noailles, contactée par The Art Newspaper.
Sont visées également, les dépenses qualifiées de somptuaires de son directeur, Jean-Pierre Blanc, « à hauteur de plus d’1,2 million d’euros de frais de déplacement, de mission et de réception en 2023 », selon Ici Provence. La Villa Noailles conteste ce montant, expliquant qu’il « ne correspond pas à des frais de représentation personnels, mais à un budget global de réception couvrant des frais de déplacement, hébergement et réception pour le bon déroulement des événements, des artistes programmés à la Villa Noailles ou en résidence, des jurys internationaux, ainsi que des actions de prospection et de communication (notamment voyages de presse et influenceurs). » « En tant que structure implantée en région, nous devons régulièrement faire venir des professionnels de toute la France et de l’international en complément des ressources et des intervenants locaux », poursuit l’institution.
La Villa Noailles est subventionnée par des partenaires publics, qui assurent entre 50 % et 65 % du budget annuel, et des fonds privés. La marque de luxe Chanel est un partenaire historique du site. Le ministère de la Culture, la Région Sud, le Département du Var, la Métropole Toulon Provence Méditerranée, la Ville d’Hyères et la Ville de Toulon contribuent pour une enveloppe globale annuelle. Pour 2025, le budget prévisionnel s’élève à 6,5 millions d’euros, « dont une partie pour notre dette fournisseurs ».
Dans un communiqué daté du 9 mai 2025, titré Une nouvelle étape pour la garantie d’un avenir durable, la Villa Noailles justifie cette dérive financière en avançant « l’augmentation progressive et constante des activités ces dernières années, ayant nécessité de conduire une réflexion pour garantir sa pérennité ». Le conseil d’administration affirme avoir « identifié un certain nombre d’actions à mener pour accompagner son évolution, telles que prioriser ses missions premières, diversifier ses ressources propres, maîtriser ses charges d’exploitation ». La réduction des budgets est à l’ordre du jour, de pair avec l’augmentation du mécénat privé, et une évolution de la gratuité vers une billetterie avec tarification adaptée en fonction des publics.
Afin d’apurer les comptes sans remettre en question les différents événements qui contribuent au rayonnement de la région à l’international, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) recommande à la Villa Noailles d’économiser près de 800 000 euros par an.
« La gouvernance de la structure sera repensée conformément aux décisions de l’assemblée générale qui s’est tenue le 3 avril 2025, poursuit le communiqué. Jean-Pierre Blanc, fondateur des festivals et directeur général depuis trente ans, a fait le choix de se consacrer à la direction artistique. Ainsi, un nouveau directeur général sera choisi prochainement en concertation avec l’ensemble des partenaires. Une modification ultérieure des statuts de l’association devrait conduire à l’entrée au conseil d’administration de l’État et des collectivités locales partenaires. »
« Un administrateur [Bénédicte Lefeuvre, directrice régionale des affaires culturelles PACA], a été nommé par le ministère de la Culture depuis le début du mois de mai pour construire un plan de trésorerie adapté à l’année 2025, fait savoir la Villa Noailles. Nous avons toute confiance en son expertise pour poursuivre le travail que nous avons d’ores et déjà entrepris depuis le début de l’année 2025 en réduisant de moitié notre dette tout en maintenant la qualité de notre offre culturelle. Nous tenons à rassurer le grand public et les artistes que nous soutenons : il n’y a pas de risque sur les événements existants. »