La collection de tableaux présentée par Artcurial mercredi 30 avril 2025, soit 43 œuvres rassemblées sous le titre « Entre ciel et terre », étonne par sa singularité. L’ensemble acquis pendant plus de vingt ans auprès de galeristes, notamment à la Galerie De Jonckheere, a été pensé pour refléter la philosophie du couple de collectionneurs, et ses convictions intimes. « Chaque tableau a bien sûr été acheté en fonction de critères esthétiques, de ses qualités picturales, souligne Matthieu Fournier, commissaire-priseur chez Artcurial et responsable du département de peinture ancienne. Mais, en premier lieu, il devait être en accord avec ce qui était fondamental pour les collectionneurs, l’amour de la nature et une spiritualité profonde ».
Rien d’étonnant donc de retrouver dans cette sélection les œuvres de peintres du début du XXe siècle qui ont posé leurs chevalets sur les côtes bretonnes, comme Henry Moret (Rochers de Pern, Ouessant, 1903, est. 80 000-120 000 euros, et Une vallée en Nevez, Finistère, 1909, est. 20 000-30 000 euros) ; ou Émile Jourdan (Barques de pêcheurs au mouillage dans le port de Brigneau, 1914, est. 20 000-30 000 euros). « Ce qui donne tout son sens à cette collection, ce sont les choix du couple qui se sont naturellement tournés vers la peinture flamande du XVe au XVIIe siècles, renchérit Matthieu Fournier. Ils ont pu acheter des tableaux devenus au fil du temps quasi introuvables sur le marché et notamment ceux de maîtres de l’École flamande, dont on ne connaît toujours pas la véritable identité aujourd’hui. »
Pieter Brueghel II, La moisson, Allégorie de l'Eté. Courtesy Artcurial
Ces derniers se nomment Maître des Portraits princiers (Le mariage de la Vierge et Le Christ parmi les docteurs, est. 300 000-400 000 euros) ; Maître d’Alkmaar (Sainte Cécile et sainte Marguerite et Sainte Agathe et sainte Lucie, est. 250 000-350 000 euros) ; Maître de la Légende de sainte Madeleine (La Vierge à l’Enfant, est. 80 000-120 000 euros) ; ou encore Maître de la Légende de sainte Lucie (La Vierge à l’Enfant entourée d'anges musiciens, est. 1 à 2 million(s) d’euros).
Leur corpus a été défini par le critique et historien d’art Max Friedländer qui rédige, entre 1924 et 1937, Die altniederländische Malerei, une somme monumentale en 14 volumes des œuvres réalisées par les primitifs flamands (éditions Paul Cassirer). Ce sont aussi les recherches du critique qui lui ont permis de donner ces noms de conventions aux artistes. Le manque de documents et d’archives n'empêche pas les chercheurs d’explorer de nouvelles pistes pour affiner les attributions. Ainsi, le Maître de la Légende de sainte Lucie a connu diverses authentifications. On a cru reconnaître la main de Pieter Casenbroot (que l’on rapprochera ensuite du Maître de la légende de sainte Ursule), puis celles de Jan van Bentham, de Frans vanden Pitte ou Jan de Hervy. Pourtant, les recherches les plus récentes, dont rend compte l’universitaire Sacha Zdanov (Quelle identité pour le maître de la légende de Sainte Lucie ?, Koregos, 2013), évoquent plutôt un autre peintre, Jan Fabiaen, actif à Bruges entre la fin du XVe et le début du XVIe siècles. Le mystère sera-t-il bientôt levé ?
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« Entre Ciel & Terre, chefs-d’œuvre d’une collection française », mercredi 30 avril 2025, Artcurial, 7 rond-point des Champs-Élysées Marcel-Dassault, 75008 Paris, www.artcurial.com