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Critique

Le pataquès physique de Philippe Starck

Le designer, premier créateur contemporain invité par le musée Carnavalet à Paris, peine à convaincre à la direction artistique d’une exposition sur le thème « Paris est pataphysique ».

Christian Simenc
30 mars 2023
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Photogramme extrait du film La Tour de René Clair, 1928, film muet, 14’20’’. © La Cinémathèque française, collection La Cinémathèque française

Photogramme extrait du film La Tour de René Clair, 1928, film muet, 14’20’’. © La Cinémathèque française, collection La Cinémathèque française

La pataphysique a parfois bon dos. C’est en effet cette « science des solutions imaginaires » inventée par le poète Alfred Jarry, en 1911, qu’a choisi le designer Philippe Starck comme fil conducteur d’une exposition en grande partie monographique déployée au musée Carnavalet, à Paris, dont il assure la direction artistique. Un choix pas complètement innocent sachant que l’impétrant est devenu, le 24 juin 2021, régent de la chaire d’Abstraction pratique & Concrétion spéculative au Collège de Pataphysique. C’est la première fois qu’un créateur contemporain est invité dans l’espace d’exposition de l’institution. Reste que, de ce parcours en deux volets, on reste sur sa faim dans chacun d’eux.

À 74 ans, Philippe Starck est l’auteur de quelque dix mille projets, dont une centaine réalisée à Paris et dans la région Île-de-France. À Carnavalet, il a donc réuni une poignée de ses opus parisiens, ainsi que quelques œuvres d’autres artistes, artisans ou architectes.

Personnage de cire de Philippe Starck réalisé par Éric Saint-Chaffray, sculpteur-modeleur, 2010 pour le Musée Grévin. Paris, collection Musée Grévin. © Yann Deret

Hormis un culte de la personnalité servi d’emblée – sa propre statue de cire venue tout droit du musée Grévin, qui répète en boucle : « Oui, c’est moi, Philippe Starck. Un type formidable, un type extraordinaire. Vous devriez le connaître plus… » –, la première section plante historiquement le décor avec quelques belles pièces.

Ce que Philippe Starck aime par-dessus tout dans Paris, ce sont « les fluides », tels l’eau ou l’air. Les canaux parisiens sont illustrés par une splendide maquette en bois d’une « flûte » du canal de l’Ourcq, embarcation représentée à l’échelle 1/10e, soit 2,85 mètres de long. Quant à l’air, le designer a choisi celle qu’il appelle tendrement « la grande osseuse »,alias la tour Eiffel, dont la pointe, à cause du vent – mais aussi de la chaleur – oscille quotidiennement de 15 à 18 centimètres, « sculpture de vent » ici magnifiée dans le court-métrage La Tour de René Clair.

Ces « mondes imaginaires » vantés par la pataphysique, deux artistes les entérinent. D’abord, Jacques Carelman (1929-1912), auteur, en 1969, d’un fameux Catalogue des objets introuvables, dont il ira jusqu’à en fabriquer certains pour une exposition au musée des Arts décoratifs, à Paris, en 1972. On peut voir ici trois spécimens loufoques : un piano découpé en sept fragments correspondant à chaque octave, deux chaises pour danseuse de French Cancan et un vélo pour rouler sur la neige, dont les roues sont équipées de raquettes. Ensuite, Jack Vanarsky (1936-2009), qui remodèle à sa manière le plan de Paris en deux versions. Sur l’une, la Seine ne se courbe plus, mais se redresse à l’horizontale, hommage au baron Haussmann et à ses avenues rectilignes – ce qui, selon Vanarsky, aurait, entre autres, permis les courses de hors-bord – ; sur l’autre, il métamorphose le périphérique parisien circulaire et ses 35 kilomètres en deux lignes parallèles et farfelues. L’esprit du visiteur commence à peine à virevolter qu’il faut s’interrompre brutalement. Fin de la première section.

Dans la seconde partie, Philippe Starck a choisi neuf projets des années 1980 à aujourd’hui, certains disparus, d’autres en activité : le Palais de l’Élysée, le Parc de la Villette, le Caffè Stern, les Bains-Douches, le café Costes… Une application permet d’écouter les commentaires parfois drôles, parfois un brin légers de Starck sur lesdites réalisations. Pour le bureau de Jack Lang, alors ministre de la Culture, en 1983, un prototype en métal avec son plateau en demi-lune pivotant est présenté, accroché à un mur et retourné, ce qui en rend difficile la lecture. Sans explication, la chambre de Danielle Mitterrand au Palais de l’Élysée n’est pas vraiment lisible non plus : la fresque circulaire tournoyant au plafond, reproduction de celle réalisée in situ par le peintre Gérard Garouste, étant censé être la métaphore d’une première nuit sans sommeil qu’y avait vécu Danielle Mitterrand…

Transformés par Starck en boîte de nuit à la fin des années 1970 – commentaire audio succulent : « On passe d’un lieu où on se lave à l’inverse : un lieu où l’on transpire » –, les Bains-Douches ne sont représentés que par quelques parois en carrelages blancs salis et affiches flashy signées Loulou Picasso. C’est peu pour évoquer cette adresse mythique. Idem pour la médaille des J.O. de Paris 2024 – une simple image stéréoscopique – ou pour le fameux café Costes, dont la grande horloge ne donnait pas l’heure : un maigre dessin, une table et une chaise. Pour un designer qui ne voulait pas exposer ses objets, heureusement qu’ils sont parfois là pour « meubler », au sens propre comme au figuré. Certes, on l’aura compris, il s’agissait « d’évoquer, de suggérer » ces projets, mais trop peu nuit à la compréhension. D’où cette vidéo où Starck dégoupille en amont toute polémique : « C’était une exposition assez complexe à faire, parce que faire de l’impossible, parler de l’irréalité, inventer des choses qui n’existent pas, malgré tout, ça reste compliqué. » La pataphysique n’étant pas une science exacte, la solution ne serait-elle pas que certains lieux/projets demeurent dans l’imaginaire ?

« Philippe Starck. Paris est pataphysique », du 29 mars au 27 août 2023, musée Carnavalet, 23, rue de Sévigné, 75003 Paris.

ExpositionsPhilippe StarckMusée CarnavaletParis
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