Conçues en fonction des caractéristiques du lieu et de son contexte, les œuvres de Katinka Bock ambitionnent de «déborder» le territoire tant physique que symbolique de l’institution qui les accueille. Avec la rigueur et la facétie qu’on lui connaît, l’artiste – allemande d’origine, française d’adoption – tend à bousculer les «bords», ces seuils spatiaux et temporels de la création, qu’elle croise habilement avec ceux de la production et de l’ex-position. Les œuvres constitutives de sa présentation inédite intitulée Landumland (une invention sémantique qui évoque comme par écho un autour des alentours) sont mises en situation de telle sorte qu’elles fonctionnent comme un dis-positif organique venant parasiter l’écosystème du Centre Pompidou. Après des mois passés à l’air libre sur l’une des terrasses du musée, des plaques de cuivre, en s’oxydant au gré des aléas climatiques, ont changé de couleur et de texture, et marqué de leur empreinte le lé de tissus qui les recouvrait. Jusqu’ alors en latence, l’œuvre advient pleinement une fois configurée dans l’espace d’exposition. Le vaste damier métallique se fait alors à la fois sculpture, socle et mise à distance. La toile de coton et de lin devient quant à elle œuvre picturale sans peinture, taillée aux dimensions de la porte par laquelle toutes les autres œuvres auront pénétré dans la galerie. Ce point d’accès technique, habituelle-ment dissimulé derrière une cloison reconstruite après chaque passage, est cette fois laissé visible, une façon pour l’artiste d’exhiber l’indice architectural de la circulation matérielle des œuvres et de l’activité essentielle de leur régie.
La rencontre de l’art et de la vie
Une autre forme de dégradation naturelle, le vieillissement de citrons jaunes, menace de modifier le précaire équilibre de la tige de métal en suspension sur laquelle les agrumes sont attachés. Appartenant à la série des «balances», le dispositif évoque la possibilité à tout moment d’une chute et sa prévention par l’artiste, qui assurera le remplacement régulier de ses fruits-contrepoids. Enfin, sur la surface autant artistique que fonctionnelle formée par les plaques de cuivre se tiennent plusieurs sculptures, dont un système de chauffage relié au réseau hydraulique du musée. Le radiateur à eau qu’alimentent ces canalisations nouvelles est issu d’un troc avec un résident du quartier – équipement contre sculpture. L’artiste rappelle ainsi l’incontournable perméabilité du dehors et du dedans, l’inévitable consubstantialité de l’art et de la vie.