L’un des centres d’art les plus importants en France, le Magasin de Grenoble, n’en finit pas de connaître des crises à répétition. Le lieu, qui prend le nom dès sa création de Centre national d’art contemporain, est inauguré en 1986 dans un ancien espace industriel réaménagé par l’architecte Patrick Bouchain, comprenant notamment une « rue » sous verrière réputée inchauffable. À la tête de l’institution de 1989 à 1994, Adelina von Fürstenberg y organise des expositions de niveau international, à l’exemple de celle d’Alighiero Boetti. Elle dirige aussi la fameuse École du Magasin, l’une des premières à former des commissaires d’exposition. Mais, premiers déboires, la Chambre régionale des comptes pointe en 1994 un « trou » de près de 2 millions de francs dans les comptes pour les seules années 1992 et 1993. La Suissesse quitte alors l’institution qui accueille ensuite plusieurs expositions pendant la vacance de direction, à l’exemple de « Cosmos : des fragments futurs » curatée au printemps 1995 par Frank Perrin.
Yves Aupetitallot arrive à la tête du Magasin en 1996 avec la volonté de proposer une nouvelle dynamique à l’institution. La programmation de haut vol comprend nombre d’artistes de la scène française, de Kader Attia à Franck Scurti, d’Adel Abdessemed à Lili Reynaud Dewar. Mais un climat social tendu au sein de l’établissement conduit à son licenciement pour faute grave en 2015. Contestant son éviction, Yves Aupetitallot a cependant obtenu réparation devant la justice, la chambre sociale de la cour d’appel de Chambéry ayant conclu en 2023 à une résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur pour harcèlement moral. Son licenciement pour faute a été annulé.
Entre-temps, l’ancienne directrice du FRAC Lorraine Béatrice Josse avait été choisie pour lui succéder. Elle rebaptise l’institution Magasin des horizons - Centre national d’arts et de cultures et repense totalement son positionnement en se rapprochant des milieux associatifs et scientifiques, proposant même cours de yoga et ateliers de pensée. Mais en novembre 2019, elle se met en arrêt maladie, comme d’autres salariés. Cette période, qui conduira à une fermeture du lieu, aboutit au départ de Béatrice Josse en 2021. Venue de Marseille, Céline Kopp la remplace en 2022. Elle y présente en particulier des expositions de Binta Diaw, Julien Creuzet (elle a été co-commissaire de son pavillon à la Biennale de Venise) ou de Ufuoma Essi. Le climat social ne semble pourtant pas s’être apaisé.
« "Tous les jours, quelqu’un pleure" : licenciements, arrêts maladie… Le centre national d’art contemporain dans la tourmente à Grenoble » titrait encore le 21 novembre France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, au moment où Céline Kopp va quitter Grenoble pour prendre début 2026 la direction du MAMAC à Nice. Alors qu’un recrutement a été lancé pour lui succéder, il serait opportun que les tutelles décident de mettre fin à des décennies de tensions sociales en ouvrant une nouvelle ère pour ce centre d’art emblématique. Et qu’enfin le Magasin ne fasse plus parler de lui que pour l’excellence de sa programmation artistique.