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Critique

La Pinault Collection éprise d'art minimal

La Bourse de Commerce, à Paris, met en avant son vaste fonds, enrichi de prêts prestigieux, dans un ensemble qui élargit la réception du mouvement né aux États-Unis dans les années 1960.

Guitemie Maldonado
25 novembre 2025
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De gauche à droite : Meg Webster, Walls of Beeswax (1990, cire), Circle of Branches (2025, feuilles, fleurs et brindilles), Cone of Salt (1988, sel) et Mother Mound (1990, terre rouge), Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, 2025. © Meg Webster. Courtesy de la Pinault Collection. Photo Florent Michel/11h45

De gauche à droite : Meg Webster, Walls of Beeswax (1990, cire), Circle of Branches (2025, feuilles, fleurs et brindilles), Cone of Salt (1988, sel) et Mother Mound (1990, terre rouge), Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, 2025. © Meg Webster. Courtesy de la Pinault Collection. Photo Florent Michel/11h45

Le goût de François Pinault pour l’art minimal est ancien et connu, comme en témoigne l’œuvre monumentale commandée à Richard Serra pour le parc de son château près de Montfort-L’Amaury (Yvelines), Elevations for l’allée de la Mormaire (1993). L’exposition présentée à la Bourse de Commerce, à Paris, est l’occasion de le vérifier, les œuvres de sa collection en constituant l’essentiel, que viennent appuyer des prêts de différents artistes et galeries, estates ou fondations, collectionneurs privés et institutions états-uniennes – parmi lesquelles la Dia Art Foundation, le commissariat revenant de ce fait à Jessica Morgan, sa directrice depuis 2015. La collaboration, de longue date également, avec l’architecte japonais Tadao Andō – pour l’aménagement de ses espaces de Venise comme de la Bourse à Paris – confirme cette inclination esthétique ainsi que ses spécificités : ce qui est montré de la collection s’avérant en partie tourné vers les productions extrême-orientales, dans lesquelles la simplicité et la pureté des formes prennent souvent une dimension méditative associée à la sensualité, voire la fragilité des matières naturelles.

Une vision immatérielle

Le ton est donné dès la première salle de l’exposition principale. Le public y est accueilli par un ensemble de tableaux d’Agnes Martin, dont les formats carrés de différentes tailles, la répétition de gestes simples et précis (tracer une droite, planter un clou, toujours à intervalles réguliers) et la réduction de la gamme chromatique (aux couleurs naturelles des matériaux, au blanc, au noir et aux mélanges que l’on peut en faire) associent la pratique de la peinture à une forme d’ascèse ou de quête spirituelle. « Il faut voir ce que vous devez faire dans l’œil de votre esprit. Il faut lui laisser du temps », déclarait l’artiste en 1979 dans une conférence intitulée « Ce que nous ne voyons pas si nous ne voyons pas », comme un contrepied à la formule « What you see is what you see » de Frank Stella par laquelle l’art minimal a été historiquement défini. Quant aux œuvres installées au rez-de-chaussée, dans le salon, lesquelles, selon la commissaire, concluent l’exposition plus qu’elles ne l’ouvrent (au mur un ensemble de peintures de Robert Ryman et au sol des bonbons d’un blanc crémeux disposés en rectangle d’après les instructions de Felix Gonzalez- Torres), l’éclairage particulièrement saisissant leur confère une qualité flottante, une sorte d’irradiation qui pointe vers l’immatériel – de la lumière, l’émotion ou l’esprit.

L’enchaînement des salles du deuxième étage semble suivre cette courbe. En particulier par la présence de compositions musicales, lesquelles, entre sons naturels et électroniques, du sérialisme aux nappes, impriment à la visite un rythme qui n’est pas seulement physique ; mais également par la diversité des matériaux (du métal peint aux pierres, aux cordes et à l’eau colorée en passant par la terre, la cire ou les microsphères de verre), soulignée par la section « Matérialisme » qui clôt cet étage. Mais si les œuvres sont pour beaucoup remarquables et rarement vues, du moins en France, si des créatrices sont intégrées en nombre à cette famille d’artistes, les notions structurant l’exposition sont néanmoins sans surprise et dessinent une vision relativement floue de ce que pourrait être le « minimal » annoncé par le titre. L’élargissement du champ géographique se fait principalement vers l’Asie, comme le souligne la salle du premier étage consacrée au mouvement japonais Mono-ha (école des choses) considéré ici en soi, alors que certains de ses membres figurent aussi dans les salles au-dessus. À l’entrée de la section, deux Unités de papier de Jiro Takamatsu – une feuille noire et l’autre blanche dont la partie centrale a été déchirée en petits morceaux recollés suivant un ajustement approximatif – mettent en exergue une économie de moyens et une forme de fragilité qui traverse l’ensemble des autres œuvres.

Dan Flavin, Untitled (to Philip Johnson), 1964, lumières fluorescentes, Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, 2025.

© Tadao Andō Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Courtesy de la Pinault Collection. Photo Nicolas Brasseur

Égrener le temps et l'espace

L’éclatement des espaces d’exposition est indéniablement moins adapté au déroulé d’un propos continu qu’à de minimonographies ou, pour la rotonde, à de grandes installations. Si donc le public renonce à comprendre ce qu’est l’art minimal, son importance dans l’histoire de l’art des années 1960 et 1970 et la relecture qui peut en être faite aujourd’hui, il pourra apprécier à sa guise certains moments de la visite : se laisser saisir, attirer ou repousser par toutes les œuvres lumineuses réunies au sous-sol, et penser, en passant, au rapport revendiqué par Dan Flavin avec le constructivisme ; suivre indéfiniment les mouvements des volumes orchestrés par Lygia Pape dans Ballet Neoconcreto I (1958) sur une musique de Pierre Henry et en écho à un poème de Reynaldo Jardim, en se remémorant autant l’histoire des Deux carrés d’El Lissitzky (1920) que la pièce Quad (1981) imaginée par Samuel Beckett pour la télévision.

Lygia Pape bénéficie par ailleurs d’une présentation monographique autour de Ttéia 1,C, installation spectaculaire faisant partie de la Pinault Collection, conçue en 2003, un an avant sa mort, et constituée de fils d’or tendus entre le sol et le plafond, jouant avec la lumière. L’artiste se trouve ainsi replacée dans un parcours commencé avec l’assimilation, au sens propre et en référence au Manifeste anthropophage (1928) d’Oswald de Andrade, de l’art concret européen et poursuivi dans le sens de l’intégration du visiteur et de l’expérience du lien (du tissage), passant par la simplicité des formes et des gestes, la variation traversant le prisme du jeu et de la construction sociale. Il est possible d’y mesurer en quelques œuvres – de poèmes en performances individuelles ou collectives, de gravures en sculptures – l’intensité de ces recherches et la vitalité de la scène brésilienne des années 1960 et au-delà, trop rapidement évoquée, dans l’exposition principale, par un Relief spatial suspendu de Hélio Oiticica provenant de la collection de Manizeh et Danny Rimer.

« Il faut voir ce que vous devez faire dans l’œil de votre esprit. Il faut lui laisser du temps. »

Le public arpentera et observera, depuis l’étage, la rotonde et l’ensemble de sculptures de Meg Webster qui y sont installées : volumes géométriques simples, agrandis à l’échelle du corps humain et réalisés en différentes matières (sel, terre, cire, végétaux) pour leur conférer textures et couleurs, les doter d’odeurs plus ou moins détectables et interroger l’unité de la forme et son devenir dans le temps. Et puis, nécessairement, il se trouvera pris dans le mouvement sans fin du temps, auprès d’On Kawara, lequel dans sa série Today a condensé sur près de cinquante ans les unités élémentaires que sont les journées. Dans les vitrines ceignant la rotonde, devenue cadran d’horloge et orbite terrestre, vingt-sept de ces œuvres (dont un tiers appartient à la Pinault Collection) égrènent les jours, les semaines, les décennies, les pays et les événements, suscitent le souvenir ou procurent l’impression d’un bégaiement de l’histoire.

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« Minimal », du 8 octobre 2025 au 19 janvier 2026, Bourse de Commerce – Pinault Collection, 2, rue de Viarmes, 75001 Paris, pinaultcollection.com

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