Patrick Faigenbaum
Avec cinq natures mortes et une composition de quatre images en carré à partir d’un citronnier, Patrick Faigenbaum délivre une méditation sur le temps et le travail, en laissant affleurer des indices biographiques. Deux des natures mortes ont été réalisées rue de Clichy, dans cet appartement, celui de sa mère disparue, auquel il avait consacré une bouleversante série. Ce sont des visions frontales cadrées au plus serré. Elles trouvent un équilibre entre références picturales dans l’arrangement des objets, fleurs et fruits, et une rigueur documentaire que souligne la tapisserie grise et datée servant de fond. Les autres natures mortes appartiennent à une série réalisée en 2022 à la Cristallerie Saint Louis, qui documente le travail des artisans et l’environnement de la fabrique. Ce fut comme une réponse tardive à un épisode de l’enfance : une fascination pour un ensemble de verres alsaciens colorés appartenant à la tante du photographe. Les trois photos choisies pour l’exposition représentent deux types de travail du verre et une étape de sa fabrication : cristal couleur à la masse, cristal clair doublé couleur, taillerie – atelier du verre froid. Elles témoignent d’une proximité envers leur objet. Si les deux premières vues prises de près, en légère oblique, mêlant le net et le moins net, restituent un émerveillement, la troisième, d’un format plus grand, est une image de mélancolie. Elle montre des objets sans couleur à l’exception du bord rouge d’un verre. La vaisselle est alignée sur le rebord blanc d’une fenêtre au cadre également blanc. La pâle lumière de l’après-midi et le reflet des tubes lumineux sur les carreaux donnent aux sapins que l’on aperçoit dehors une teinte gris pâle.
Le portrait du citronnier en carrés est un peu plus ancien. C’est un arbre d’un village sarde d’où est originaire la femme du photographe. Trois de ces quatre vues montrent des branches et des fruits sur un fond noir, mais la quatrième, en bas à gauche, est dans la clarté et y ajoute des mains. Ces mains donnent moins l’impression de se saisir de l’arbre que d’être recueillies par lui et de s’intégrer au jeu de ces diagonales qui semblent vouloir sauter d’un carré à l’autre. C’est une composition qui peut aussi s’appréhender comme une séquence.
Du 10 novembre au 24 janvier 2025, Galerie Nathalie Obadia, 3 rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris

Vue de l’exposition « Lake Verea : Nuits sauvages chez Barragán » chez Bendana | Pinel Art Contemporain. Courtesy Lake Verea et Bendana | Pinel Art Contemporain. Photo Alberto Ricci
Lake Verea : Nuits sauvages chez Barragán
Lake Verea (Francisca Rivero-Lake Cortina & Carla Verea Hernández) est un duo de photographes queer et conceptuel. Depuis une vingtaine d’années, elles développent des scénarios ou des protocoles pour photographier quelques-uns des bâtiments mythiques de l’architecture moderne. Depuis le début de leur travail, elles portent une attention particulière aux créations de Luis Barragán (1902-1988) et lui ont consacré de nombreux reportages. Inspirées par le discours humaniste et poétique que l’architecte a prononcé à l’occasion de la remise du Prix Pritzker, elles ont élaboré une autre approche pour photographier sa maison-musée. Elles ont obtenu de la direction de la casa Barragán l’autorisation de venir y dormir, et deux années durant l’ont exploré comme un territoire presque inconnu avec pour seules lumières la pleine lune et l’éclairage urbain. Le résultat est une vision tout à fait inédite d’un des bâtiments les plus photographiés au monde. Le flash produit d’étranges couleurs, parfois des effets de bougés et, comme le déclarent les artistes, « transforment les ombres en volumes ». Elles disent aussi avoir senti que leur mission était de photographier l’intimité. Lake Verea fait de la casa Barragán un véritable personnage, qu’elles viennent, de manière joyeuse et sensuelle, réveiller et provoquer.
Du 8 novembre au 20 décembre 2025, Bendana | Pinel Art Contemporain, 4 rue du Perche, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Srijon Chowdhury : The Whorled » chez Ciaccia Levi. Courtesy de l’artiste et Ciaccia Levi. Photo Aurélien Mole
Srijon Chowdhury : The Whorled
Srijon Chowdhury, qui se définit comme un symboliste tardif, voudrait que sa peinture transforme celui qui s’y trouve confronté. Chacune de ses expositions se donne comme une expérience immersive de nature spirituelle. Les tableaux de « Whorled » (littéralement « spiralé ») s’inspirent principalement du tarot, mais dépeignent aussi le quotidien de l’artiste, quotidien transfiguré par ses visions. Dans un grand tableau, il peint de très près les branches d’un cerisier en une construction all-over. La sérénité qui se dégage de cette œuvre détermine l’atmosphère, le sentiment dominant dans un univers riche et intense. L’artiste embrasse le cycle de la vie et de la mort sans craindre de frôler l’imagerie sulpicienne, le psychédélisme ou le gore, avec des références à William Blake. Le rapprochement d’un père en aube blanche portant dans ses bras un enfant aux traits vieillis et d’une mère dont les bras sont littéralement dévorés par sa progéniture est l’un des exemples les plus frappants de cet art visionnaire. Chez Srijon Chowdhury, les corps sont ornés de motif en spirale, comme des courants d’énergie qui se laissent voir sous la peau transparente. Quant aux arcanes du tarot, la version qu’il en donne équivaut à une réinterprétation de leur message. À l’enfant à cheval qui fond sur le soleil est substituée, par exemple, la figure minuscule d’un vieillard sur une monture géante. Minuscule est également cette mort disparaissant dans le tapis de fleurs médiéval où elle est venue exercer sa faux. Srijon Chowdhury traverse les époques et les genres avec un naturel rare.
Du 18 octobre au 29 novembre 2025, Ciaccia Levi, 34 rue de Turbigo, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Matt Browning : The Plastics » chez Édouard Montassut. Courtesy de l’artiste et Édouard Montassut. Photo Gina Folly
Matt Browning : The Plastics
Il y a quelques mois, Matt Browning exposait à la Galerie Buchholz, à Cologne, la quasi-totalité des types de travaux qu’il développe depuis une quinzaine d’années. Tout d’abord les pièces faites d’assemblages ou d’enchevêtrements, de sortes de longs trombones de bois obtenus à partir d’un même pin Douglas. Les autres types de pièces étaient des canifs fabriqués par l’artiste, et des fonds de bouteilles de verres découpés dans lesquels avait été versé du soda Dr Pepper bouillant pour former de grosses pastilles. Il semble que pour Matt Browning le contexte et le mode de production comptent davantage que la recherche d’une forme en particulier. « The Plastics », titre de sa nouvelle exposition, désigne tout autant le matériau employé dans la confection des pièces que le sujet mis en question par elles. L’artiste a réduit avec un sèche-cheveux des bouteilles de plastique trouvées sur la plage à de simples plaques, qu’il a ensuite superposées et amalgamées. Il a formé ainsi des reliefs rectangulaires convexes, colorés, et réfléchissants comme le verre. Pour chacun d’eux, il n’a employé que les bouteilles d’une même marque. Il en expose 9, dont les tailles varient de 15,1 x 12,9 cm à 10 x 9,5 cm, accrochés à hauteur d’œil ou plus bas. Ils sont à la fois beaux, et terribles si l’on songe à leur origine. Plastic Freedom, nom très sixties donné à ces vanitas minimalistes, sonne avec une ironie mordante.
Du 15 octobre au 20 décembre 2025, Édouard Montassut, 61 rue du Faubourg Poissonnière, 75009 Paris
