« Terra » marie vin et art en Bourgogne

Ces derniers temps, l’économie culturelle, attentive à la volatilité du marché, se cherche de nouveaux modèles. Jenn Ellis et Emie Diamond, deux curatrices londoniennes, y répondent avec « Terra », un dialogue interactif autour du concept de terroir qui s’impose peu à peu dans le paysage artistique. « Le monde de l’art a connu deux années un peu difficiles, avec une fréquentation des galeries en recul. Nous avons décidé de nous concentrer sur une expérience plus qualitative, et le projet Terra s’inscrit parfaitement dans cette stratégie », explique Thibault Geffrin, Senior Director de la galerie Almine Rech Londres, lequel vient tout juste de s’installer à Paris. Fidèle au projet depuis son lancement en 2023, la galerie présente cette année Resonance Painting (A Case of You) d’Oliver Beer (disponible pour 45 000 livres sterling [51 200 euros]) dans la chapelle de l’Oratoire de Beaune. À partir du 12 novembre, une autre œuvre de la même série sera présentée à Almine Rech Shanghai. Sous la même coupole, la galerie Edel Assanti (Londres) affiche deux acryliques sur toile d’Agata Bogacka (à 15 000 euros pièce) et livre un constat similaire. « Le marché s’est débarrassé de nombreux spéculateurs, pour se recentrer sur des collectionneurs avides de créer des liens plus cérébraux avec les œuvres », explique Charlie Fellowes, le cofondateur de la galerie. Consciente de l’importance de tisser un rapport intime avec ses clients, Edel Assanti a exposé une œuvre de l’artiste française Noémie Goudal dans le salon privé de la Deutsche Bank à Londres, à l’occasion de la foire Frieze.

À moins de 30 kilomètres de Beaune, les verres semi-réfléchissants de l’œuvre Tight Squeeze de Dan Graham (Galerie Marian Goodman) reflètent les feuilles de vigne rougies par l’automne. Sur les terres du grand cru du Clos de Vougeot, cette installation monumentale interroge l’idée de mémoire chère à Walter Benjamin… que l’on peut méditer depuis la chambre douillette de la Folie de Vougeot, une bâtisse de style Art déco élevée au beau milieu du vignoble au début du siècle dernier.

Dispersée dans des sites patrimoniaux d’exception et des paysages idylliques, « Terra » invite à ralentir le pas, loin du modèle plus transactionnel du « white cube ». Au Château Corton C, propriété du Domaine Frey à Aloxe-Corton, le concept atteint son apogée dans les sous-sols de la propriété. Au bout du couloir scandé d’alcôves où vieillissent des centaines de bouteilles, l’installation Belly of the Earth de Shaan Bevan & Owen Pratt (16 000 livres [18 600 euros], Palmer Gallery, Londres), mêle vibration sonore et champ coloré hypnotique. Une version plus petite du tableau métallique, proposée dans le boutique hôtel La Maison de Pommard, à 10 kilomètres de là, a trouvé preneur dès le week-end d’ouverture, qui s’est tenu la semaine de la Foire Art Basel Paris.

La multiplication des collaborations artistiques dans les domaines viticoles de Bordeaux, de Champagne et de Provence souligne depuis quelque temps déjà le lien étroit entre les amateurs de vin et les collectionneurs d’art. Avec ses nombreux grands crus classés, la Bourgogne semble en passe de trouver sa voie. « De nombreux collectionneurs de vins sont également amateurs d’art », note Pia Azzuri. La directrice de la stratégie client chez Sotheby’s s’est rendue sur place avec sa collègue Alexandria Cubbage, spécialiste des ventes de vin à New York. « Terra est un projet idéal pour réunir des personnes intéressées par le vin ou l’art. Nous espérons qu’ils repartiront avec une passion pour les deux ! », résume-t-elle.

TERRA, jusqu’au 23 novembre 2025, divers lieux, Bourgogne.