Dès le départ, l’idée du fondateur des éditions Sombres torrents, Lilian Froger, directeur du centre d’art L’Imagerie, à Lannion, en Bretagne, fut de partager ses découvertes contemporaines ou historiques à travers des registres d’écriture à la fois variés et affranchis de la norme académique. Au rythme de deux ou trois titres par an – auquel il souhaite d’ailleurs se tenir pour composer chacun des livres avec soin – ont ainsi succédé aux premiers ouvrages des historiennes d’art Fabienne Radi (Peindre des colonnes vertébrales, 2018) et Éva Prouteau (Rouge feu, bleu Klein, vert mélèze en dialogue avec l’artiste Eva Taulois, 2018), un entretien avec le cinéaste Thomas Salvador (Simplement nager, simplement filmer, 2018), une fiction documentée de l’artiste Jérémie Gindre (Image canoë, 2019), un essai de l’enseignant-chercheur en sciences politiques Antoine Idier (Pureté et impureté de l’art. Michel Journiac et le sida, 2020)… La liste s’allonge jusqu’aux titres les plus récents : Les Versions de l’artiste Laurence Cathala (2025) et Nature sensible. En marchant avec Tal Coat (2024) de l’historien d’art Guillaume Logé, fruit d’une résidence de recherche sous l’égide de la galerie parisienne Christophe Gaillard.
la création.
REMONTER LE COURANT
Les livres se suivent ainsi sans se ressembler, formant au fur et à mesure de leur publication un éventail pointu et singulier à la charte graphique aussi remarquée que remarquable : composée par le graphiste Jacques Delon qui en a dessiné la typographie, elle offre à chaque couverture une couleur spécifique, souvent vive, fruit d’une discussion entre l’auteur(e), le graphiste et l’éditeur. Il n’y a pas non plus de résumé en quatrième de couverture ; c’est une photographie, choisie pour incarner le contenu du livre sans trop en dévoiler – manière espiègle d’inviter à la lecture. S’il a, en premier lieu, passé commande ou porté son choix sur des textes qu’il souhaitait publier en français (c’est notamment le cas de Dans la matrice : le design radical de Ken Isaacs de la critique états-unienne Susan Snodgrass, en 2020), Lilian Froger est de plus en plus sollicité tant sa ligne éditoriale offre une approche aussi transversale qu’exigeante de domaines essentiels de la création, pourtant soumis à rude épreuve par l’épuisement des crédits qui leur sont aujourd’hui accordés.
La collection s’enrichira bientôt, entre autres, d’un recueil de poèmes en breton et français d’Anjela Duval illustré par Corentin Canesson (en partenariat avec le centre d’art contemporain Passerelle, à Brest) ou encore d’un livre sur les homonymes de l’historienne d’art Camille Paulhan : de quoi nous ravir et nous laisser surprendre par cet espace livresque mêlant joyeusement histoire des idées, des savoirs et des formes. Et que demander de plus, par des temps si sombres, que son titre Sombres torrents parvient pourtant à éclairer ?
