« Tipping Point » (point de bascule) réunit dix artistes belges, rejoints par deux Marseillaises, Charlotte Gautier Van Tour et Amandine Guruceaga. Elle est coproduite par Fræme (Marseille) et par deux institutions bruxelloises de référence, l’ISELP (Institut supérieur pour l’étude du langage plastique) et le Botanique, centre culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont les directeurs respectifs, Adrien Grimmeau et Grégory Thirion, sont les commissaires de l’exposition.
Le point de bascule, ou seuil critique, « désigne cet instant où une société atteint un point de non-retour, menant irrémédiablement vers une nouvelle configuration », expliquent ces derniers. L’exposition colle plus que jamais à l’actualité, car, comme ils le soulignent : « Aujourd’hui, ce sentiment de rupture est omniprésent : les bouleversements climatiques, l’accélération numérique, la polarisation politique notamment génèrent une anxiété croissante face à l’avenir. »
DES PROPOSITIONS HYBRIDES
La première impression qui se dégage est assez contradictoire, il s’agit d’un paysage où les ruines virtuelles le disputent à une archéologie prospective. Chez de nombreux artistes, il est autant fait appel aux nouvelles technologies qu’aux rebuts issus d’une société industrielle en profonde mutation et de ses productions à l’obsolescence programmée. Leurs œuvres – privilégiant les installations vidéo, les environnements et les assemblages – s’imposent par leur présence physique, parfois des plus troublantes, où l’hybridation constitue un paramètre important.
Ainsi, à travers ses installations sculpturales composites, Maëlle Dufour interroge les nouvelles technologies, tout en explorant les sources d’information héritées d’anciennes sociétés. Eva L’Hoest utilise le langage numérique pour analyser les concepts d’origine et de mémoire, en combinant tour à tour sculptures, performances et installations visuelles. Gérard Meurant scrute les images pour en débusquer les tensions internes et faire douter quant à leur identité, alors que Stephan Balleux, peintre et vidéaste, connu pour ses défigurations énigmatiques, fait appel à l’IA pour créer un univers fantasmagorique.
Tout aussi hybride, le travail de Stéphanie Roland, photographe et vidéaste, vise à explorer les structures invisibles de notre monde, les grandes échelles du temps et les hyperobjets. Emmanuel Van der Auwera conçoit de réelles expériences visuelles et sensitives à partir d’une analyse des flux d’images qui nous entourent : en interrogeant les codes de représentation, « il construit de nouveaux outils pour lire les images sans céder à l’illusion d’une vérité univoque ».
D’une tout autre façon, le duo mountaincutters et Jonathan Sullam plongent dans la matérialité « archéologique » de leurs sources pour les transformer. Les premiers le font avec de vastes installations qui prennent la forme d’un paysage d’objets improbables, tandis que le second intègre des matériaux industriels dans ses œuvres, comme des références formelles qu’il enrichit par un travail d’assemblage. Les réalisations de Sabrina Montiel-Soto et Anna Safiatou Touré complètent ce panorama inédit de la scène belge francophone.
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« Tipping Point », 27 juin-28 septembre 2025, Friche La Belle de Mai La Tour, 41, rue Jobin, 13003 Marseille.
