Robert Cottingham : Cameras, Typewriters & Components
Le nom de Robert Cottingham reste à jamais attaché à l’hyperréalisme, vraie tendance et faux mouvement de la fin des années 1960. Son œuvre est principalement connue par ses vues d’enseignes de salles de spectacle ou de bars, avec un style marqué dans les choix de focale et de cadrage. La peinture de Cottingham a toujours témoigné d’une connaissance et d’un intérêt véritable pour l’art photographique. La présente exposition réunit des portraits de machines à écrire, d’appareils photos bon marché (les fameux Brownies de Kodak) et de pièces de machines industrielles, peints entre 1999 et 2011. Ce sont majoritairement des vues plongeantes sur des claviers, sur des appareils positionnés en oblique ou des pièces qui, elles, occupent la totalité du cadre. Les fonds sont monochromes dans des tons suaves, peints par touches légères. Sur eux, l’ombre portée des objets est nette, couvrante, leur opposant un brun ou un gris. Si les vues de machines et d’appareils photos portent un élément de nostalgie et, peut-être de jeu avec l’art conceptuel, ennemi supposé, les images de pièces de machines semblent condenser toutes les préoccupations de Robert Cottingham. Inspirées de photos de manuel d’ingénierie, elles combinent un point de vue documentaire, et un travail sur la lumière et la couleur nourri de tradition picturale qui donne à ces objets la séduction de produits de luxe. La marque du pinceau se voit en plus d’un point, notamment dans les reflets, comme expression d’une jubilation et d’une liberté à l’égard du modèle photographique. Il y a quelque chose d’intemporel dans ces œuvres, une façon pour l’artiste de s’inscrire dans une autre histoire américaine qui ne se limite pas au champ de l’art.
Du 12 juin au 19 juillet 2025, Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, 36 rue de Seine, 75006 Paris

Vue de l’exposition « Martin Boyce : Unhome » chez Esther Schipper, Paris. Courtesy the artist and Esther Schipper, Berlin/Paris/Seoul. Photo © Andrea Rossetti
Martin Boyce : Unhome / Walk With Me
L’œuvre la plus imposante de « Unhome » est une structure en acier noir dans le style de Jean Prouvé qui porte un lustre composé de 90 polyèdres de verre rose directement inspiré d’un modèle de Carlo Scarpa. Le lustre est suspendu très bas et aux polyèdres Boyce a ajouté quelques chaînettes. La rencontre de cette potence rigoriste et de cette sphère inspirée par le minéral et le végétal produit naturellement un choc poétique. C’est aussi la poursuite d’une conversation ininterrompue entre l’artiste et quelques-uns des grands créateurs de l’architecture et du design.
On retrouve dans l’exposition quelques motifs récurrents de Martin Boyce, un masque de théâtre en laiton devant un miroir, un grand rideau, deux grilles d’aération, portant chacune un mot qui les lie ou semble les lier (Other - Rooms) ou des feuilles enduites de paraffine au sol qui semblent avoir été dispersées par le vent. Comme en chaque occasion ou presque, l’artiste se joue des frontières entre intérieur et extérieur, nature et culture. Deux poignées de porte sont fixées en deux endroits, l’une ornée d’un disque lunaire et l’autre d’une figure solaire. Une nouvelle série de huit photos disposées par paires montre les poignées dépareillées des deux côtés d’une même porte. Prises dans la maison de l’artiste à Glasgow, ces vues suggèrent une pluralité de situations.
Sur l’autre rive de la Seine, à la Galerie Natalie Seroussi, est présenté « Walk With Me ». Martin Boyce expose une série de photos en noir et blanc datée de 2016. Ce sont 21 vues de l’intérieur du Mackintosh Building, abritant l’école d’art de Glasgow, après l’incendie dévastateur de 2014. En rapport avec ces images de désolation et de deuil des utopies, l’artiste a choisi de montrer quelques pièces de la collection de la galerie sur le thème du feu, plus ou moins : boîte d’allumette de Raymond Hains, peinture de feu d’Yves Klein ou un monochrome noir sur carton signé Man Ray et titré Ma dernière photographie. Dans la vitrine de la galerie est installée une maquette de scène de théâtre avec une sculpture d’Alexander Calder. Un jeu d’illusion, de références au surréalisme et à David Lynch, et un trait d’union entre les deux expositions.
Du 23 mai au 26 juillet 2025, « Unhome », Esther Schipper, 16 place Vendôme, 75001 Paris ; « Walk With Me », Esther Schipper chez Natalie Seroussi, 34 rue de Seine, 75006 Paris

Vue de l’exposition « Mel O’Callaghan : My Heart beneath the Earth » à la Galerie Allen, Paris. Photo Aurélien Mole
Mel O’Callaghan : My Heart beneath the Earth
Un double lien relie Mel O’Callaghan aux profondeurs de la terre, le souvenir d’un grand-père éminent minéralogiste et la conviction d’y trouver la clé du « Symbiocène » que certains appellent de leurs vœux. My Heart Beneath The Earth est une peinture qui couvre la totalité d’un mur de 540 x 420 cm. Sur un fond noir à l’acrylique ont été appliquées par grandes ou petites taches les poudres d’une dizaine de métaux et de minéraux dont l’azurite, le cinabre, la malachite, le titane, l’argent et la zéolithe, tous connus pour leurs « antiques vertus curatives ». Ces multiples éclats et ces quelques traînées évoquent davantage un feu d’artifice que des constellations, mais à travers eux est suggérée une correspondance entre le ciel et le sous-sol. On peut songer aux spéculations de Novalis sur la minéralogie et la cosmologie.
Les Mineral Paintings sont des œuvres sur toiles exécutées avec une peinture acrylique infusée de pigments minéraux. Ce sont des surfaces métalliques, comme rayées, à la fois sombres et réfléchissantes. Elles portent des sous-titres descriptifs qui les assimilent à des états d’expérience.
La façon de se lier à la terre, et à ce que l’on nomme parfois son battement de cœur trouve sa traduction dans une œuvre vidéo. Celle-ci, fractionnée en trois moniteurs disposés en colonne, montre une performeuse vêtue de blanc au corps de laquelle sont attachées des cymbales. Ses lents mouvements, sorte de danse extrêmement contenue, sont ponctués de légers chocs entre les cymbales. Ces ponctuations visent à faire coïncider les battements de cœur de la performeuse et ceux de la planète. La présentation sur moniteurs répond probablement à l’espace restreint de la galerie, mais il est permis d’y voir également une vision de l’humain, à la fois un et multiple.
Du 14 juin au 26 juillet 2025, Galerie Allen, 6 passage Sainte-Avoye, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Anton Hirschfeld : Kind of Blue » chez christian berst - art brut. Courtesy christian berst - art brut
Anton Hirschfeld : Kind of Blue
Anton Hirschfeld réalise au pastel, au fusain, à l’encre, à l’acrylique, des œuvres sur papier de nature abstraite. Au commencement de chacune de ses pièces, il trace au stylo-bille des enchaînements de prénoms d’êtres chers, certains répétés. Selon la tournure prise par le dessin ou la peinture, les boucles peuvent se laisser voir par transparence, véritable charge d’énergie. Au rang de ce qui nourrit l’inspiration d’Anton Hirschfeld, on cite l’environnement urbain, la musique et des photos de presse. « Kind of Blue » témoigne de l’extrême diversité d’approches de l’artiste. Si la grille est un motif récurrent, elle peut aussi bien servir un travail sur la texture que conduire à une forme de légère dramatisation. Telle œuvre superpose des cadres, quasiment des fenêtres, de manière à former un réseau dense, presque un tressage, à dominante rouge et rose mais relevé en un endroit par du jaune et du bleu. Loin de procurer un sentiment de clôture, cela bouge, scintille et offre de la profondeur. Dans une autre œuvre, les hachures noires sur fond brun prennent un relief architectural et le dessin qu’elles construisent, semblent littéralement s’effondrer devant une tache d’un jaune rayonnant. Il arrive aussi qu’Anton Hirschfeld s’écarte de modèles trop construits pour jouer d’un rapport entre deux couleurs. Plus d’une fois, on trouve un écho à quelques grandes œuvres de l’abstraction. C’est aventureux, et les solutions formelles s’avèrent toujours surprenantes.
Du 5 au 26 juillet 2025, christian berst – art brut, 3-5 passage des Gravilliers, 75003 Paris
