John de Andrea : Grâce
Tenant à la fois de la photographie (pour le côté instantané), de la peinture (on sait avec quel soin l’artiste définit les couleurs des carnations de ses bronzes), et de la sculpture, les œuvres de John de Andrea se situent entre les arts. Avec « Grâce », il s’offre une délicate fantaisie autour de l’académie artistique. Profitant de la lumière d’une belle verrière, il a disposé sous celle-ci une large estrade sur laquelle sont réunies des femmes nues qui pourraient être des modèles en pause autour d’un chevalet. Autour d’elles, un autre nu féminin se tient appuyé contre un mur, tandis qu’un autre encore est assis sur une bergère. Adam et Eve que l’on croise à l’entrée participent aussi de cette fantaisie, rappel d’autres couples verticaux de l’artiste, et de cette fin des années 1960 où l’on n’avait pas honte de réclamer le paradis. Un Christ en croix sans croix d’une belle vigueur les accompagne.
Dans une autre salle sont réunis des moulages et des abattis disposés sur des étagères. La perspective devient plus muséale, et l’hommage à Rodin évident avec une figure qui cite L’Âge d’airain. John de Andrea maître d’une réalité dédoublée ouvre ici un jeu de perspectives entre un monde fictif et le sien propre ; entre l’artiste du nu photoréaliste et le maître sculpteur dont on viendrait visiter l’atelier-musée.
Du 9 juin au 22 juillet 2023, Georges-Philippe & Nathalie Vallois, 36 rue de Seine, 75006 Paris
Art Orienté Objet : Je suis contre
Le duo Art Orienté Objet, reconnu comme l’inventeur du « slow art », a bâti une exposition de stricte opposition. Chaque œuvre est accompagnée d’un cartel long qui commence par « Je suis contre ». À une question de nature environnementale (destruction des forêts, disparition des oiseaux…) ou anthropologique est apportée une réponse plastique ou visuelle. La présentation emprunte assez naturellement aux musées des sciences et d’histoire naturelle, aussi bien dans l’emploi de vitrines que dans la dramatisation par l’éclairage. Mais le style peut être plus direct : le dessin agrandi d’un milan en éclairage LED porte un message contre les câbles à très haute tension, une grande photo d’une forêt ravagée en Centrafrique se suffit (presque) à elle-même.
Le recyclage, principe traditionnel, conventionnel des avant-gardes, est ici question de responsabilité écologique. Ainsi pour illustrer la fusion de l’homme et de la girafe, on renonce à l’impression 3D à échelle 1, pour des constructions miniatures à partir d’os d’animaux récupérés. L’éthique prime sur l’esthétique et définit une autre esthétique ; laissant une large place à la fantaisie quand il faut imaginer des alternatives.
On sait que les deux artistes mènent par ailleurs des recherches de nature anthropologique qui alimentent et accompagnent leur production artistique. Ce parcours d’initiation à travers récits, informations et inventions peut s’entendre aussi bien comme un « il sera(it) une fois », que comme « voilà ce qu’il faudra(it) faire ». Parce que cet art du contre sait sourire des limites de son pouvoir d’action, il est à peu près sûr de recueillir une large adhésion.
Du 1er juillet au 23 septembre 2023 (interruption du 30 juillet au 1er septembre inclus), Les Filles du Calvaire, 21 rue Chapon, 75003 Paris
Toby Ziegler : Blind men exploring the skin of an elephant
Les œuvres que Toby Ziegler a réunies sous le titre d’une parabole indienne (qui donne également son titre à l’une des œuvres) appartiennent à deux sortes. Ce sont, d’une part, des toiles de grand format sur lesquelles sont peintes dans des tons gris en impression laser des sols à damiers et des grilles qui se tordent dans ce qui pourrait être le cyberespace. L’artiste commence par des manipulations sur l’ordinateur d’images d’origines diverses, à la recherche de déformations et sans craindre de troubler les logiciels de traitement. Impossible de dire si l’image source est scène d’intérieur ou paysage. Sur ces visions d’espaces tordus et distordus ont été déposées des touches de couleur, dans une gamme passée (bruns, beiges, roses pâles) avec parfois du noir ou du rouge, touches qui font des taches ou dessinent des croix. Ces taches flottantes, à la recherche de leur raison d’être, peuvent aussi répéter des motifs du fond gris, esquisser une forme. Comme un vol de reconnaissance en mode manuel, c’est-à-dire au pinceau, sur un écran défectueux. Un jeu complexe où se mêlent le calcul et l’expression, le hasard et le caprice, le rehaut et la rature.
D’autre part, Toby Ziegler a refait des natures mortes du XVIIe siècle. Petits formats sur aluminium et gesso, ces bouquets à dominantes rose et rouge ont été travaillés à la ponceuse pour y créer des zones floues. Combinant un lent travail de copiste et celui d’artisan, il nous offre une méditation sur le temps long et le temps court des œuvres, et la façon dont la destruction construit son objet.
Du 7 juin au 29 juillet 2023, Max Hetzler, 46 et 57 rue du Temple, 75004 Paris
Clio Sze To
Clio Sze To a grandi dans un atelier d’artiste de la Cité du Pont de Sèvres et est revenue y vivre depuis quelques années. Elle dessine au pastel en format portrait ou en paysage des vues prises de l’une de ses fenêtres. À l’intérêt de découvrir sous plusieurs angles un ensemble architectural de l’ère pompidolienne, s’ajoute un travail de construction de l’identité et de la mémoire. Témoignage sur une époque de l’architecture en France où, avec des lignes courbes, des ouvertures arrondies et une place baptisée forum, on ne prétendait à rien de moins qu’à changer la ville.
Le regard sur les grands ensembles, généralement préconstruits, vise à faire ressortir la froideur. Rien de tel ici, même si l’humain s’y fait rare. Par des choix d’angles qui sont ceux d’une résidente, par des variations de lumières sur une même façade, et surtout par le choix du pastel se marque la présence d’un sujet. Les photos qui ont inspiré ces pastels ressemblent à des captures au smartphone, notations plutôt que compositions. Certains détails comme ce dragon chinois sur une rampe, ou cet Hello Kitty gonflable vue à travers le garde-corps en verre d’un balcon suffisent à intriguer et à marquer une discrète présence de l’Asie. La Cité du Pont de Sèvres s’impose peu à peu comme sujet à part entière.
Du 22 juin au 16 septembre 2023, Crèvecœur, 9 rue des Cascades, 75020 Paris