Matthew Ronay : Thirteen Forms
Les sculptures de Matthew Ronay reposent pour une large part sur sa pratique du dessin. Ceux qu’il exécute quotidiennement de façon quasi automatique ne sont pas conçus comme des œuvres préparatoires mais comme un matériau dont il s’empare et qu’il transforme. Dans ses grandes compositions qu’il présente désormais sur socles, il procède à des enchaînements, véritables processions, de figures tirées de ses carnets. Dix sculptures sont réunies dans cette exposition, dont deux de plus de 3,60 m d’étendue, l’une d’elles étant (c’est une première) peinte en noir. Les formes issues de l’imagination de Ronay sont essentiellement organiques : système digestif, phallus, vulves, orifices divers. Y entrent aussi des éléments de machines en référence à la cybernétique. On pense à Yves Tanguy et à d’autres surréalistes, mais aussi au Picasso de la fin des années 1920 lorsque celui-ci flirte avec la surréalité. Les formes sont sculptées dans du tilleul et teintées, les traitements du bois influant sur l’absorption de la couleur donnent une grande diversité d’aspects ; jusqu’à suggérer le velours. Parlant de ses œuvres, Ronay se réfère explicitement à l’écriture. Bien qu’extrêmement sensuelles, elles invitent à une forme de recueillement de nature spirituelle.
La pièce noire introduit un niveau supplémentaire d’abstraction, rappelant la façon dont la psychanalyse jungienne a pu un temps y jouer son rôle. Aussi bien par l’échelle que par le choix du matériau, ces productions de l’inconscient s’offrent comme un équivalent de la Légende dorée pour les sculpteurs médiévaux.
Du 5 juin au 26 juillet 2025, Perrotin, 10 impasse Saint-Claude, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Mohamed Bourouissa : Généalogie de la violence » chez Mennour. Photo Archives Mennour
Mohamed Bourouissa : Généalogie de la violence
On avait découvert le film Généalogie de la violence l’an dernier dans le cadre de l’imposante exposition de Mohamed Bourouissa au Palais de Tokyo, à Paris. On le revoit aujourd’hui dans un sous-sol de galerie transformée en salle obscure comme on va au cinéma dans ce quartier de cinéphilie. C’est l’histoire très ordinaire d’un jeune homme et de sa petite amie, tous deux racisés, conversant à l’intérieur d’une voiture, et d’un banal contrôle au faciès avec palpations d’usage. Face à cette situation trop souvent vécue, le protagoniste (celui qui dit « je » en voix off) se met en « mode automatique » comme si son « corps ne lui appartenait plus ». Pour traduire ce réflexe d’autoconservation, le cinéaste invente une autre forme de caméra subjective. Par des basculements de perspective, des ralentis, des très gros plans et des traitements de l’image (effets de solarisation, de vision nocturne, décompositions), on se retrouve entre ciel et terre avec l’image obsédante d’un chien potentiellement dangereux. Le contrôle s’achève sans le moindre incident, le regard de la petite amie disant tout de la violence et de l’humiliation qui en découle.
Hands est une toute nouvelle série de montages photographiques transférés sur plexiglas et montés sur d’épais châssis métalliques avec, en leur fond, une grille. Les montages ont été faits à partir d’images de précédents travaux et évoquent tour à tour des moments de tendresse et d’autres de contraintes, quand les deux ne sont pas mêlés. Les grilles sont la marque de la violence, mais leur positionnement en arrière des images signifie le refus d’une trop facile exploitation.
Du 4 juin au 19 juillet 2025, Mennour, 6 rue du Pont de Lodi, 75006 Paris

Vue de l’exposition « Ana Silva : As guardiãs » chez Magnin-A. Photo Gregory Copitet. Courtesy de l’artiste et Magnin-A
Ana Silva : As guardiãs
« As guardiãs » (les gardiennes) : c’est par ce terme qu’Ana Silva veut célébrer les groupes de femmes qui « exercent un rôle de veille et de protection » autour du village d’Angola où se trouve la maison de sa famille. Pour cette nouvelle série d’œuvres brodées, elle a remplacé les sacs et tissus de création par la crinoline, étoffe dont le nom a été capturé par l’objet que l’on sait. Cette toile blanche et translucide, avec parfois un léger effet moiré, équivaut à une absence de fond, donnant aux parties brodées un plus grand relief et les faisant flotter dans l’espace. Chacune des femmes ou des enfants se trouve associée à une figure animale, à un arbre, ou à une plante, sans qu’on puisse décider avec certitude du lien qui les unit : proximité spatiale, rapport symbolique. Parfois, l’humain fusionne avec le végétal en ce qui pourrait être l’effet d’une transe ou une illumination. Les visages ou les membres des figures humaines sont peints d’une teinte délavée, comme des images insolées. Par le biais d’un art décoratif renouvelé, Ana Silva unit approche documentaire et vision. Emblématique à cet égard est cette composition dans laquelle une gardienne se tient sous un arbre maigre où vient, entre deux sacs de plastique rose suspendus, se poser un papillon géant. C’est comme un Klimt de la savane venu nous entretenir de l’état de la planète.
Du 5 juin au 30 août 2025, Magnin-A, 118 Boulevard Richard Lenoir, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Émile Rubino : House-Trained », LambdaLambdaLambda accueillie par Hussenot à La Cuisine. Photo Aurélien Mole
Émile Rubino : House-Trained
Émile Rubino est photographe et théoricien, et l’exposition présentée dans La Cuisine de la galerie Hussenot trouve un complément essentiel dans le texte qu’il a écrit à cette occasion. Il s’agit d’une réflexion, presque une rêverie, née du thème de l’atelier. Le point de départ est un tableau d’Eugène Delacroix, Coin d’atelier. Le Poêle, surprenant tableau social qui contient tout l’imaginaire d’une époque révolue. La réalité de l’atelier, pour ce photographe basé à Bruxelles, c’est celle d’un espace partagé avec, comme objets mis en commun, un four à micro-ondes et une plaque chauffante en spirale. Trois petites photos en noir et blanc de ces objets au cadre identique témoignent d’une réalité et montrent le passage du temps à travers l’horloge d’un des appareils. À ces images documentaires sont associées deux photos expérimentales d’un format un peu plus grand. Ces deux compositions sont inspirées de la réflexion d’une professeure selon laquelle on devrait pouvoir se masturber dans son atelier. En écho ou en réponse, Rubino a photographié un vibromasseur en action sur une table avec un temps de pose long. Ces vues quasi abstraites évoquent à l’artiste Dynamisme du chien en laisse de Giacomo Balla.
L’artiste a également disposé sur trois socles : un chapeau argenté plié ; un masque d’âne retourné ; deux boules de polystyrène dont une couverte de papier argenté. Ces trois objets peuvent être pris comme sculptures, mais aussi bien se voir comme matière à recherche pour le photographe. Enfin, au-dessus du bureau, est accrochée une photo en couleur : la tirelire en carton qui, dans l’atelier, sert à collecter l’argent pour le café.
Du 23 mai au 21 juin 2025, LambdaLambdaLambda accueillie par Hussenot à La Cuisine, 5 bis rue des Haudriettes, 75003 Paris