À la suite presque immédiate de la première guerre d’indépendance d’Indochine (1946-1954) contre la puissance coloniale française, la guerre dite ici « du Vietnam », qui se nomme là-bas « guerre américaine », ou plus précisément « guerre de résistance contre les États-Unis » (1955-1975), est à la fois une guerre civile et une deuxième guerre d’indépendance sur fond de guerre froide. À l’occasion des 50 ans de la fin de ce qui fut sans doute le conflit armé continu le plus long du XXe siècle, les commémorations se multiplient au Vietnam, et de nombreuses initiatives internationales témoignent de l’importance de cet anniversaire.
Un photographe humaniste et engagé
En France, au musée national des Arts asiatiques – Guimet, à Paris, une exposition de tirages photographiques et documents d’archives choisis par l’association Les amis de Marc Riboud rend compte de l’extraordinaire attachement du photoreporter (1923-2016) pour ce pays d’Asie du Sud-Est profondément meurtri. Ce membre de l’agence Magnum depuis 1953, qui a déjà sillonné une grande partie de la planète, préfère aux voyages éclair des séjours longs et répétés.
Entre 1966 et 1976, Marc Riboud se rend au Vietnam plus d’une dizaine de fois, de sa propre initiative parfois, hors de toute commande. Durant cette décennie cruciale, le photojournaliste sensible et engagé ne documente pas les combats – Marc Riboud n’est pas un reporter de guerre, c’est la vie quotidienne des civils qui l’intéresse. Il parcourt villes et campagnes, visite rizières et usines, observe les travailleurs à bicyclette circulant parmi les ruines, les ouvrières qui reconstruisent canaux et chaussées, des familles décimées se recueillant au temple ou à l’église, des enfants vêtus d’épais manteaux de paille tressée, armures de fortune contre les éclats d’obus...
Profondément humaniste, Marc Riboud tient à donner un visage à un peuple que beaucoup considèrent alors comme l’ennemi à abattre par tous les moyens. En parallèle de nombreuses parutions dans divers journaux et magazines (Look, Life, Le Monde, Paris Match, etc.), Marc Riboud publie en 1970 une sélection de ses images dans un livre intitulé Face of North Vietnam (Holt, Rinehart and Winston). Le portrait collectif est singulier, et inédit, en ceci qu’il est l’un des rares photographes occidentaux à obtenir un visa l’autorisant à voyager dans le nord du pays – les séjours de Marc Riboud, quelques années plus tôt, en URSS et dans la Chine communiste, ainsi que sa couverture des luttes pour l’indépendance, en Algérie et en Afrique subsaharienne notamment, auront sans doute joué.
Cet engagement ne l’empêchera pas pour autant de se faire le témoin, dès le lendemain de la chute de Saïgon, en avril 1975, et la victoire du Viêt-cong (Front de libération du Sud Vietnam) – prélude à la réunification un an plus tard –, des funestes opérations d’embrigadement (ces « cours de rééducation politique ») et de déplacement forcé des populations du Sud Vietnam menées par le gouvernement provisoire. Un regard humaniste, et lucide, pour la paix.
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« Marc Riboud. Photographies du Vietnam, 1966-1976 », 5 mars-12 mai 2025, musée national des Arts asiatiques – Guimet, 6, place d’Iéna, 75016 Paris, guimet.fr