C’est en mai 1966 que Gérard Lévy (1934-2016) inaugure sa galerie rue de Beaune, dans le 7e arrondissement de Paris. Le marchand est surtout connu pour son expertise dans les arts d’Extrême-Orient et sa participation à l’émergence du marché de la photographie ancienne à partir des années 1970. Il l’est cependant moins pour sa passion du mouvement symboliste, courant qui, à l’heure où Gérard Lévy ouvre son enseigne, sort timidement de cinquante années d’oubli. « Le symbolisme fut en réalité redécouvert par Gérard Lévy, confie Matthieu Fournier, le commissaire-priseur d’Artcurial. Il a été l’un des premiers marchands à s’intéresser à ce mouvement artistique dans les années 1960. Il fait ainsi figure de précurseur, notamment en raison de sa collaboration à “Neue Kunst in der Schweiz zu Beginn unseres Jahrhunderts”, une exposition pionnière organisée au Kunsthaus de Zurich en 1967, au cours de laquelle il prêta de nombreuses œuvres symbolistes. »
Univers symbolistes
La vente d’Artcurial fait suite à la dispersion d’autres parties de la collection, en juin 2017, par les études Millon et Baron Ribeyre – ces ventes avaient rapporté près de 1 million d’euros.
« L’intérêt de notre vacation – laquelle comporte quatre-vingts peintures et dessins, ainsi qu’une trentaine de manuscrits – est que ces œuvres n’ont jamais été commercialisées, poursuit Matthieu Fournier. Les murs de l’appartement familial des Lévy, dans le 16e arrondissement de Paris, étaient entièrement recouverts d’univers symbolistes imaginaires et fantasmés, transposés sur des tableaux ou des dessins, et dans des ouvrages illustrés. »
C’est le jardin secret d’un insatiable rêveur et esthète que les potentiels enchérisseurs vont découvrir le 11 février 2025 chez Artcurial. Une plongée dans l’intimité du marchand qui n’avait jamais vendu d’œuvres symbolistes, mais les achetait pour lui-même, avec goût et raison. « On pénètre ici dans l’univers sombre du symbolisme, qui est à l’inverse de cet homme décrit comme charmant, jovial et unanimement salué, souligne encore le commissaire-priseur. Un monde teinté d’idées mélancoliques et nostalgiques, à travers des créations dans lesquelles la figure de la femme fatale et dramatique tient une grande place. Le symbolisme, c’est du sentiment, de la fatalité et de la noirceur. »
Ainsi en est-il de La Bourrasque (vers 1896), un délicat et fougueux pastel signé Lucien Lévy- Dhurmer (estimé de 60 000 à 80 000 euros), qui côtoie Profil au paon (1896), un flamboyant pastel gouaché exécuté par Edgar Maxence (estimé de 50 000 à 80 000 euros), ou Dans la dune (estimée de 20 00 à 30 000 euros), une aquarelle de Georges de Feure, artiste très influencé par les poèmes de Charles Baudelaire sur l’amour saphique, en particulier « Femmes damnées ». Ceci sans oublier les dessins aux lignes sensuelles de Carlos Schwabe, les figures inquiétantes de Félicien Rops, Paul-Élie Ranson, Alphonse Mucha, entre autres.
Ce bel ensemble est complété par de nombreux écrits symbolistes, jadis conservés dans l’immense bibliothèque de la famille Lévy, à l’instar de Charles Baudelaire, Octave Mirbeau, Maurice Maeterlinck, Georges Vanor et Jules Barbey d’Aurevilly. « Des ouvrages rappelant que le symbolisme dérive avant tout de la littérature et de la poésie », conclut Matthieu Fournier.
-
« Collection Gérard Lévy – Rêveries fin-de-siècle », 11 février 2025, Artcurial, 7, rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris, artcurial.com