Quelques centaines de mètres qui font la différence. Exit la proximité prestigieuse mais encombrante du palais de l’Élysée. Sotheby’s se déplace cet automne à quelques encablures de là, à l’angle de l’avenue Matignon et de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans ce qui fut l’historique galerie Bernheim-Jeune, remodelée par l’agence Architecturestudio et l’entreprise Degaine. La raison première ? « Notre propriétaire voulait que nous possédions nos propres locaux », confie Mario Tavella, président de Sotheby’s France. Et ne plus dépenser chaque année, plus de 1 million d’euros en location versés à l’heureuse détentrice de la galerie Charpentier, la famille de Courtry. Le montant de l’achat n’a pas été divulgué. En passant du 76 au 83, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Sotheby’s peut maintenant intégrer in situ, sur trois étages, ses équipes jusqu’ici dispersées dans plusieurs bureaux. Le nouveau bâtiment sera également plus facile d’accès à tout point de vue, à la différence du quartier fréquemment « bouclé » de l’Élysée.
Avec ce changement, « nous serons davantage dans le hub des galeries du Faubourg- Saint-Honoré et de l’avenue Matignon. Nous gagnerons en visibilité, et en services pour le visiteur avec un restaurant d’une trentaine de couverts, comme dans nos locaux à Londres », détaille Mario Tavella. Des master classes et autres événements seront aussi possibles.
Une évolution du marché
Toutefois, le cœur de l’activité reste bien la vente. Un étage sera dédié au retail (vente au détail), au luxe et aux tableaux en ventes privées. Au total, ce sont 30 % d’espaces d’exposition supplémentaires disponibles en comparaison de l’ancien siège, soit 1 275 m2 sur une surface totale de 3 300 m2. Ces nouveaux locaux accompagnent les mutations des maisons de ventes internationales, mais aussi les rendent plus attractives et plus adaptées à la conjoncture. Ainsi, les ventes privées prennent de plus en plus d’importance, en particulier lorsque le marché des enchères classiques devient plus compliqué : elles ont totalisé 1,2 milliard de dollars (1,07 milliard d’euros) chez Sotheby’s en 2023 dans le monde. Et le secteur du luxe a engrangé, rien qu’en Europe, 248 millions de dollars (222 millions d’euros), pour un bond mondial de 200 % depuis 2020. « Il existe quatre types de ventes, rappelle Mario Tavella. Les enchères, le retail, qui permet d’acquérir par exemple un bijou directement à un prix fixe et communiqué, les ventes privées, dont les pièces sont exposées au public, et enfin les ventes privées en toute discrétion. » Celles-ci se dérouleront loin des regards, contrairement aux ventes aux enchères dorénavant visibles depuis la rue, en toute transparence.
Et le patron de Sotheby’s France d’ajouter : « Le retail est une activité très nouvelle à Paris, mais qui existe depuis un moment à Londres et à New York. On doit encore apprendre dans ce domaine, nous n’en sommes qu’au début. » En rachetant Sotheby’s, Patrick Drahi avait clairement affiché sa volonté de développer ce canal de vente.
L’écrin de Sotheby’s est aussi l’un des signes indéniables de la place de premier plan que prend Paris sur l’échiquier mondial du marché de l’art, alors que Sotheby’s investit ces mois-ci dans des sièges de plus de grande envergure à New York comme à Hong Kong. Et que Londres perd du terrain depuis le Brexit...
« Oui, Paris prend une place de plus en plus importante, mais il n’y a pas de compétition avec Londres, nous restons très complémentaires », tient à préciser Mario Tavella. Quoi qu’il en soit, ce mouvement permettra de traverser la période actuelle. «,On ne peut pas nier que le marché est devenu plus difficile, les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes ont vu leur volume baisser. Mais nous avons de très beaux lots qui passent en octobre 2024 à Paris, en particulier d’art moderne et d’œuvres surréalistes, et en novembre à New York. »