Disparu en 2020 des suites du Covid-19, Pierre Cardin n’était pas connu pour être un fervent collectionneur d’art, mais plutôt un boulimique de maisons et de châteaux, comme celui du Marquis de Sade, à Lacoste, dans le Luberon, ou le fameux Palais Bulles à Théoule-sur-Mer, sur la Côte d’Azur. Alors qu’une pléthore de neveux et petits-neveux conteste son testament et se dispute la succession – très compliquée – de l’empire Cardin, évalué selon certaines sources autour de 800 millions d’euros, la maison Digard Auction va proposer aux enchères 34 dessins de Fernand Léger provenant de la collection du couturier. Ils seront mis aux enchères à Drouot le 24 juin 2025 lors d’une vacation d’art moderne et contemporain, sur confirmation du tribunal qui a missionné l’administrateur judiciaire en charge de la succession, au bénéfice de l’ensemble des héritiers.
« Cette trentaine de dessins forme un ensemble cohérent comme il en apparaît peu sur le marché. Il permet de voir les correspondances de méthodes entre le travail de Léger qui utilisait la couleur en aplats, et Cardin, qui concevait souvent ses créations comme des taches colorées », confie la commissaire-priseur Marielle Digard. Des dessins pour la scène, et en particulier le célèbre ballet La Création du monde de 1923, dominent cet ensemble. Cette pièce fut chorégraphiée par le danseur Jean Börlin sur une partition de Darius Milhaud, un ballet de Blaise Cendrars, et donc des décors et costumes de Fernand Léger, pour les Ballets suédois dirigés par Rolf de Maré et qui se produisaient alors avec succès à Paris. On peut y déceler par moments l’influence des arts africains sur Fernand Léger, mise en évidence dans l’exposition historique « Primitivisme dans l’art du XXᵉ siècle », présentée en 1984 au MoMA de New York et documentée dans son catalogue. D’autres dessins font écho à l’Égypte ancienne, réalisés cette fois pour David triomphant, un ballet de Serge Lifar créé en 1936, sur une musique de Claude Debussy et Modeste Moussorgski. Chaque lot est estimé à des montants délibérément attractifs, allant de 500 à 3 000 euros pour la fourchette basse, et pouvant atteindre jusqu’à 8 000 euros au maximum.
Cette vente précède une dispersion plus vaste qui devrait avoir lieu à l’automne prochain, portant cette fois sur le contenu plus hétéroclite des demeures du couturier à Paris, entre le style Napoléon III, des tableaux, des arts d’Asie, mais aussi un ensemble de bijoux uniques créés pour orner ses modèles lors des défilés…