Pour les cinéphiles, André Bernheim reste ce personnage tourmenté du film de François Ozon Tout s’est bien passé (2023) qui décide, entouré par ses filles après un AVC, d’avoir recours au suicide assisté en Suisse, en 2009. Pour les amateurs d’art, il fut sans doute le premier collectionneur français à acheter une œuvre de l’artiste américain Robert Rauschenberg, issue des Combine Paintings de 1954 et exposée en 2006 à Paris au Centre Pompidou (« Robert Rauschenberg – Combines », octobre 2006 - janvier 2007).
Cette œuvre acquise en 1971 avec son épouse, la sculptrice Claude de Soria, auprès de la galerie Sonnabend à New York, marque le début de la passion du couple pour l’art contemporain américain et l’art abstrait. « Nous étions un petit groupe qui nous intéressions à l’art, raconte-t-il au journal Les Echos en 2007. Chaque semaine, nous allions chez Ileana Sonnabend [qui ouvre une galerie à Paris en 1962, ndlr]. J’ai pu acheter ce "Combine" grâce à la vente d’un Pissarro de salle à manger du 16e arrondissement qui avait appartenu à mon père. » Une pièce historique du même artiste américain (Egyptian series, 1973, carton gouaché sur papier, est. 15 000 à 20 000 euros) se trouve en bonne place dans la dispersion de la collection du couple organisée par la maison Aponem.
Rien ne prédestinait cet héritier du groupe textile Saint Remy, passionné de musique, à devenir l’un des collectionneurs et mécènes français les plus importants. Son mariage en 1952 avec Claude de Soria lui ouvre la porte d’un nouveau monde qu’il embrasse trois ans plus tard lors de l’achat de sa première œuvre, une petite peinture de Paul Klee, « Un choc esthétique », confiait-il aux Echos en avril 2007. Suivent Maria Helena Vieira da Silva (La vue du boulevard Saint-Jacques, 1955, dessin au fusain et crayon sur papier, est. 20 000-30 000 euros), puis une minuscule peinture dédicacée au poète René Char achetée au marchand Heinz Berggruen en même temps qu’un recueil du poète (Poèmes, bois de Nicolas de Staël, est. 8 000-12 000 euros).
En 1974, André Bernheim et Claude de Soria se lient au galeriste Yvon Lambert – André Bernheim deviendra par la suite président de la collection Lambert à Avignon – et lui achètent, lors de la première exposition de l’artiste à Paris, une série de dix dessins de Sol LeWitt (R13, 1972 est. 4 000-6 000 euros). Une autre œuvre de l’Américain, Horizontal Brushstrokes, datant de 1992 (une gouache estimée de 60 000 à 80 000 euros), figure parmi les pièces importantes de la vente. Les collectionneurs ne délaissaient pas pour autant les avant-gardes européennes et se sont intéressés à Anselm Kiefer (Gang durchs Rote Meer, 1987, collage sur photo, est. 80 000-120 000 euros), à Christo (Wool Bales Wrapped, 1969, dessin au graphite, est. 40 000-60 000 euros) ou encore à Bertrand Lavier. Sa Rue de Sévigné, de 2005 (jet d’encre sur toile, est. 20 000-30 000 euros), fut l’un de leurs derniers achats. La vente comprend aussi deux sculptures en ciment réalisées par Claude de Soria (Sans titre, boule, prix sur demande) qui clôturent la dispersion de la collection.
--
« Collection André Bernheim et Claude de Soria : tableaux modernes et contemporains », mardi 27 mai 2025, Aponem, Hôtel Drouot, 75009 Paris, www.aponem.com