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Entretien

Kyotographie : réunir des regards

Pour sa 13e édition, le Festival de photographie japonais rouvre dans différents lieux de Kyoto, avec pour thème l’humanité. Entretien avec Lucille Reyboz, sa cofondatrice avec Yusuke Nakanishi.

Propos recueillis par Anaël Pigeat
7 mai 2025
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JR , The Chronicles of Kyoto (détail), 2024, collage de photographies, gare de Kyoto. Courtesy de KYOTOGRAPHIE. Photo Kenryou Gu

JR , The Chronicles of Kyoto (détail), 2024, collage de photographies, gare de Kyoto. Courtesy de KYOTOGRAPHIE. Photo Kenryou Gu

Dans quel contexte avez-vous créé Kyotographie [en 2013] avec votre compagnon Yusuke Nakanishi ?

Nous avons déménagé à Kyoto après le séisme de 2011. J’étais photographe indépendante et Yusuke Nakanishi, directeur de la photographie. Je vivais seule à Tokyo avec ma fille de 3 ans. Après le tremblement de terre, les infrastructures étaient abîmées, la ville s’est transformée en une sorte de « piège » dont il était impossible de sortir pendant quelque temps, et je m’y sentais vulnérable. Je suis partie faire un reportage à Fukushima [lieu de la catastrophe nucléaire], puis à Hiroshima. Sur le trajet du retour, le train s’est arrêté à Kyoto. Je suis descendue et j’ai décidé de m’installer là. Pour les Japonais, la ville est un rêve, tout en étant très complexe, elle est faite de nombreuses strates qu’il faut du temps pour dévoiler. Nous étions révoltés par le fait que les médias japonais communiquaient peu sur la gestion de la crise. À Kyoto, pour le Gion Matsuri – le festival traditionnel le plus important de la ville –, les quartiers préparent des chars pendant des mois, et les grandes familles ouvrent leur machiya sur rue et révèlent leurs trésors. Nous avons voulu fonder un événement qui nous ferait entrer dans la ville et mettrait en lumière des sujets sociétaux.

Comment se présentait alors la scène artistique de Kyoto ?

Kyoto est un lieu de réflexion et de création. L’artisanat est évidemment très présent, mais il existe aussi une scène underground puissante, avec, par exemple, le collectif Dumb Type ou l’artiste Kohei Nawa. Beaucoup d’artistes sont venus s’installer là après le séisme. Il y a également de nombreuses universités d’art. Nous avons tout de suite établi un festival off, KG+3, afin de représenter parallèlement la jeune création.

Vous êtes deux artistes à avoir fondé ce Festival, ce qui était aussi le cas de Lucien Clergue, l’initiateur des Rencontres de la photographie d’Arles [en 1970]. Comment vous situez-vous par rapport à ce Festival historique, ou à celui de Jimei en Chine ?

RongRong et Inri – le couple de photographes qui est à l’origine, avec les Rencontres de la photographie d’Arles, du Festival Jimei – nous ont beaucoup inspirés. Ils vivent également à Kyoto, et nous sommes de la même génération. Dans le livre anniversaire de Kyotographie 5, célébrant les 12 ans de l’événement – pour les douze signes du zodiaque chinois –, nous expliquons comment le fait d’être à deux et de s’aimer donne des ailes. Ma fille, qui est métisse africaine d’origine togolaise, et mon fils, métis japonais, sont toujours présents sur scène avec les artistes au moment du vernissage. Nous faisons aussi tout cela pour nos enfants, pour la transmission. Nous ne jugeons pas ni ne partageons des vérités, nous réunissons différents regards. Le Festival a réussi à amener à la photographie des personnes qui n’allaient jamais dans des expositions.

Le titre de cette édition est « Humanity ». Pourquoi ce choix ?

Kyoto vit dans une bulle hors du temps, mais il nous semblait essentiel de mettre en lumière certaines problématiques auxquelles l’humanité fait face aujourd’hui, comme dans les images du Palestinien Adam Rouhana ou celles de la Japonaise Mao Ishikawa, laquelle évoque dans son travail l’occupation de l’île d’Okinawa – où elle est née – par les Américains. Cela permet de faire front ensemble. Pour la cérémonie d’ouverture, nous avons fait venir une rappeuse célèbre au Japon, Awich, qui a réalisé une performance avec l’artiste KUNIKO sur la situation méconnue d’Okinawa, cela devant la place de l’empereur, dans un bâtiment classé qui incarne la force du Japon. La presse japonaise a compris à quel point un tel événement était historique. Nous avons aussi invité une artiste trans de São Paulo, Filipe Catto, ce qui était essentiel à mes yeux pour ouvrir des fenêtres sur d’autres réalités que celles présentes ici. L’exposition « Little Boy » de Hiromi Tsuchida – sous le commissariat de Yusuke Nakanishi – commémore les 80 ans du bombardement nucléaire de Hiroshima. Le fait que je ne sois pas japonaise, que nous ayons de nombreux partenaires et que d’importantes institutions étrangères nous soutiennent donne une grande liberté, même si nous avons déjà connu des moments délicats avec l’extrême droite. Au Japon, on peut tout dire, mais il faut que ce soit bien « emballé », présenté avec élégance.

« Nous avons voulu fonder un événement qui nous ferait entrer dans la ville, et mettrait en lumière des sujets sociétaux. »

Comment choisissez-vous vos lieux, en particulier les maisons privées traditionnelles ou le siège du Kyoto Shimbun [quotidien local], que vous avez confié à JR pour ses Chronicles of Kyoto ?

Nous avons développé notre rapport à l’espace dès la genèse du Festival, et, au moment où nous faisons la programmation, nous réfléchissons tout de suite au lieu. Une fois celui-ci choisi, nous invitons un scénographe qui intègre le travail dans l’espace à la faveur de nombreux échanges. À Kyoto, l’artisanat est l’âme de la ville, nous ne pouvions pas passer à côté et nous voulions que la communauté soit impliquée dans le projet. Pour JR, cela a été une évidence dès qu’il nous a parlé de sa proposition : une célébration de la ville dans laquelle sont photographiées des personnes que l’on voit rarement – par exemple, des figures de la scène drag queen. Pour l’exposition d’Éric Poitevin [« The Space Between »], nous avons instinctivement pensé au temple Ryosokuin. Pour celle de Graciela Iturbide, au Kyoto City Museum of Art, nous avons collaboré avec son fils, l’architecte Mauricio Rocha, qui a employé de la terre pour la scénographie. Nous lui avons proposé de travailler avec un maître du plâtre japonais.

Les trois résidences que vous offrez à des artistes chaque année, et qui donnent lieu à des expositions, semblent être une façon d’utiliser le temps long comme matériau.

Oui, et ces résidences existent depuis l’origine. J’ai grandi au Mali et passé beaucoup de temps au Sénégal. J’avais à cœur de mettre en avant la photographie africaine et de montrer d’autres réalités du continent. Il y a cinq ans, nous avons créé une résidence pour les photographes africains. Pour 2025, nous avons choisi Laetitia Ky : elle interroge les normes de la société à partir d’images réalisées avec ses propres cheveux. Les deux autres artistes que nous avons soutenus ont été JR, pour lequel nous avons supervisé [en 2024] un shooting avec 500 Kyotoïtes, dans huit quartiers de la ville. Martin Parr, quant à lui, a documenté l’ancienne capitale impériale et ses environs. Tamaki Yoshida, lauréate du Japan Ruinart Award, a aussi bénéficié d’une résidence en région Champagne, en 2024. Nous essayons également de diffuser leur travail hors du Japon, aux Rencontres d’Arles ou, récemment, à São Paulo, au Brésil, à la Japan House.

Comment pensez-vous vos programmations ?

Nous célébrons toujours un maître de la photographie japonaise et un maître de la photographie internationale : pour cette édition, ce sont Mao Ishikawa et Graciela Iturbide. Nous voulons montrer à la jeune génération que la photographie n’est pas uniquement numérique. Nous tenons à avoir des expositions de différentes tailles. Ce printemps, nous préparons l’accrochage que nous présentons aux Rencontres de la photographie, à Arles, cet été. En général, nous allons voir des artistes pendant la période estivale dans leurs studios, nous cherchons les financements en septembre et nous commençons la production à l’automne. Chaque année, la part de nouvelles productions change. Nous dépendons presque à 100 % de nos partenaires privés.

Et qu’en est-il de Kyotophonie ?

Nous avons créé ce Festival en 2023, car nous aimons la musique, du jazz à l’électro. J’ai longtemps réalisé des pochettes de disque pour le label Blue Note. Tous les week-ends de Kyotographie, nous organisons des concerts, par exemple de Filipe Catto, Soundwalk Collective avec Patti Smith, etc. Notre rôle est aussi de mettre en lumière des talents qui passent sous les radars japonais. Et le public nous fait confiance, il vient.

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KYOTOGRAPHIE, Kyoto International Photography Festival, «Humanity», 12 avril-11 mai 2025, divers lieux, Kyoto, Japon, kyotographie.jp/en

KYOTOPHONIE, Borderless Music Festival, 12 avril-11 mai 2025, divers lieux, Kyoto, Japon, kyotophonie.jp/en

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