L’artiste allemande Rebecca Horn, célèbre pour son exploration conceptuelle novatrice du corps humain que ce soit par le biais de sculptures, de films, de performances ou encore de photographies, est décédée à l’âge de 80 ans. Son décès a été confirmé sur les réseaux sociaux par la galerie Sean Kelly de New York, pour qui elle était l’« une des artistes les plus éminentes de sa génération ».
Rebecca Horn est née en 1944 à Michelstadt, en Allemagne, et a étudié à la Hochschule für Bildende Künste à Hambourg, et à la St Martins School of Art, à Londres. La plupart de ses œuvres s’inspirent de la maladie, notamment d’une période clé de son adolescence au cours de laquelle elle a contracté la tuberculose. L’écrivain Lauren Mechling a déclaré l’année dernière qu’« imprégnée de poésie et de douleur, l’œuvre de [Rebecca] Horn joue avec les possibilités et les limites du corps humain ».
C’est dans une série essentielle dans la carrière de l’artiste, Personal Art (1968-1972), que sont apparus les premiers exemples de ses tenues transformant le corps à l’aide de bandages, de ceintures et de plumes, et qui ont été décrites comme des « sculptures portables ».
En 1972, elle crée le Pencil Mask, qui transforme la tête de celui qui le porte en instrument servant à dessiner. « Tous les crayons mesurent environ cinq centimètres de long et produisent le profil de mon visage en trois dimensions. Je bouge mon corps rythmiquement de gauche à droite devant un mur blanc. Les crayons font des marques sur le mur dont l’image correspond au rythme de mes mouvements », a-t-elle expliqué. L’œuvre est dans la collection de la Tate à Londres.
En 1992, la Tate Britain a exposé son installation Ballet of the Woodpeckers. « Ici, de petits marteaux tapent sur des miroirs comme des oiseaux effrayés par leur propre reflet. À l’origine, l’œuvre a été installée dans un hôpital psychiatrique de Vienne. Des patients de longue durée en ont fait l’expérience en même temps que des visiteurs extérieurs. Pour rappeler la présence des patients lorsque l’œuvre a été déplacée, Horn a ajouté deux entonnoirs en verre remplis de mercure », peut-on lire dans la description de l’œuvre par la Tate.

Vue de l'installation de Rebecca Horn, Tower of the Nameless, 1994. Photo Markus Tretter. © VG Bild-Kunst, Bonn 2024
Parallèlement à ses installations et à ses performances, Rebecca Horn a poursuivi la pratique du dessin tout au long de sa carrière, de façon très variée, observe la galerie Sean Kelly. « Parfois, ses dessins et son travail dans d’autres médiums se sont développés de manière coextensive, comme dans ses dessins qui documentent des propositions sculpturales. Les dessins Bodylandscape de Horn, réalisés entre 2003 et 2015, traduisent l’intérêt pour l’exploration des limites du corps, présent dans ses sculptures et performances, au moyen du dessin », commente la galerie.
« Les tabous changent énormément selon les générations, alors peut-être que les miens sont un peu différents des vôtres, a déclaré l’artiste dans une interview accordée en 1994 au magazine Frieze. Tout est possible, si on le veut suffisamment. Il y a différentes limites. Il faut s’approcher du bord. Genet, Buñuel, Pasolini… Ce sont des gens qui sont allés au bout d’eux-mêmes. C’est important [de suivre sa voie], même si vous êtes attaqués pour cela ».
Cette semaine, la galerie Thomas Schulte, basée à Berlin, inaugure précisément une exposition consacrée à Rebecca Horn, intitulée « Concert of Sighs » (11 septembre-2 novembre 2024). « Des palettes de construction, des fragments de murs et des planches de bois sont empilés sur le sol, d’où partent de minces tubes de cuivre qui s’enroulent comme des pousses de plantes et se terminent par des trompettes en forme d’entonnoir. L’artiste a utilisé des matériaux de construction provenant des ruines de maisons vénitiennes pour son installation, créée à l’origine pour la Biennale de Venise de 1997 », explique la galerie.
Rebecca Horn était également membre honoraire de la Royal Academy of Arts de Londres. « L’essence de l’imagerie [dans son travail] provient de l’incroyable précision de la fonctionnalité physique et technique qu’elle utilise pour mettre en scène ses œuvres [adaptées] à chaque fois à un espace particulier », indique la Royal Academy.
Au début de l’année, une rétrospective des œuvres de l’artiste a été inaugurée à la Haus der Kunst à Mucich. Andrea Lissoni, directeur artistique de l’institution munichoise, a déclaré que Rebecca Horn était une artiste visionnaire qui mettait en scène l’interaction entre les corps, les machines, les images en mouvement et le son en créant « des langages nouveaux, uniques et diversifiés qui sont en avance sur leur temps ».
Rebecca Horn a réalisé une œuvre permanente à Weimar, en Allemagne, en hommage aux victimes du nazisme intitulée Concert pour Buchenwald. Installée dans une ancienne centrale électrique pour le tramway de la ville, cette pièce est considérée comme l’une des œuvres d’art contemporain les plus poignantes en Allemagne sur l’Holocauste.
L’artiste a bénéficié de nombreuses expositions en France, notamment en 2019-2020 au Centre Pompidou-Metz, en 2000 au Carré d’Art Musée d’art contemporain de Nîmes, en 1995 au Musée de Grenoble, ou en 1986 à l’ARC/Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Elle est présente dans plusieurs collections publiques, notamment celles du Cnap, des FRAC Bretagne et des Pays de la Loire, et de l’IAC à Villeurbanne.