Le stand de la Garth Greenan Gallery, sur la nouvelle foire Independent 20 th Century – lancée par Independent, axée elle sur l’art contemporain, et qui met l’accent sur les niches inexplorées de l’art du siècle dernier – présente trois œuvres radicalement différentes du même artiste, Al Loving (1935-2005), peintre expressionniste abstrait reconnu tardivement.
Datant de 1971 à 1976, elles incarnent la volonté de l’artiste de repousser sans cesse les limites de la peinture. L’œuvre de la période la plus ancienne (entre 250 000 et 500 000 dollars, l’euro étant quasiment à parité avec le dollar cette semaine) représente une grille de trois toiles géométriques en forme de cube dont les blocs de couleur audacieux sont compensés par des bords contrastés. L’œuvre du milieu (entre 750 000 et 1 million de dollars) est faite d’une composition de toiles déchirées et tachées emblématique de l’artiste. « C’est l’une des seules toiles déchirées qu’il reste, les autres sont pour la plupart dans des musées », précise la galerie. L’œuvre la plus récente (entre 100 000 et 300 000 dollars) est une composition pleine de rage en papier déchiré, collé et peint.
Tout au long de cette édition d’Independent, les marchands présentent des artistes méconnus ou des œuvres sous-estimées de noms plus connus. Des découvertes provenant souvent d’artistes qui travaillent à rebours des utilisations conventionnelles des matériaux ou qui s’aventurent au-delà des pratiques orthodoxes. On y trouve, par exemple, des photographies, des dessins, des peintures afro-futuristes et, surtout, les sculptures en résine moulée de Joe Ray présentées par la Diane Rosenstein Gallery de Los Angeles (tout le stand était sold out à la fin du vernissage VIP). La galerie Richard Saltoun, basée à Londres et à Rome, présente quant à elle l’incroyable variété des œuvres textiles de l’artiste polonaise Barbara Levittoux-Świderska (1933-2019), d’une inventivité incroyable (entre 30 000 et 65 000 dollars).
La galerie new-yorkaise Soft Network, spécialisée dans la présentation d’estates à un public plus large, expose des peintures (de 40 000 à 55 000 dollars) et des œuvres sur papier (à partir de 12 000 dollars) de l’artiste haïtien-américain Paul Gardère (1944-2011). La présentation, organisée en partenariat avec la fille de l’artiste, Catherine Gardère, reflète le riche éventail d’histoires et de pratiques qui ont inspiré le travail de ce dernier, des traditions vaudou haïtiennes – elles-mêmes hybrides de mythologies africaines et chrétiennes – aux mouvements néo-géo et néo-expressionnistes que Gardère a côtoyé sur la scène artistique à Downtown New York dans les années 1980 et 1990. Les œuvres les plus frappantes visuellement incorporent de la peinture, des paillettes, de la boue, du métal, du bois, de l’argile et des éléments de collage.
Un intérêt similaire pour l’hybridité, la dislocation et les nuances de son parcours personnel irriguent une série d’œuvres saisissantes du peintre new-yorkais Vincent Smith (1929-2003), exposées sur le stand de la galerie Alexandre. Les œuvres sur papier aux couleurs vives (à 12 000 dollars) et les toiles plus terreuses réalisées à la peinture et au sable (de 40 000 à 75 000 dollars) sont le fruit des voyages de Vincent Smith en Afrique entre 1972 et 1980. Contrairement aux peintures ténébreuses que Smith a réalisées dans sa ville natale de New York, les œuvres inspirées de ses voyages africains que l’on peut voir ici sont plus légères, plus ouvertes et réinterprètent l’iconographie qu’il a rencontrée au cours de ses pérégrinations.
« Beaucoup de ces œuvres font référence à des traditions locales spécifiques, comme les personnages béninois du Sanctuaire du Bénin (1989) », explique Emma Crumbley, chercheuse à la galerie. À la fin de la première journée de la foire, des collectionneurs engagés avaient acheté deux des tableaux exposés.
Autre coup d’éclat, cette fois de la part d’un certain Joan Miró. La galerie Luxembourg + Co, basée à Londres et à New York, présente un ensemble d’œuvres peu connues que l’artiste surréaliste a réalisées au début de la guerre civile espagnole, à l’été 1936, en appliquant de l’huile, du sable et du goudron directement sur des planches brutes de Masonite. Ces œuvres sont associées sur le stand à de nouvelles sculptures de boîtes de conserve réalisées par Peter Fischli. Bien qu’elles ressemblent à de la céramique, leurs matériaux sont apparemment tout sauf cela, du papier journal et du papier de construction à la gouache, la peinture émaillée et la craie de champagne.
Les Miró sont installés sur des chevalets trônant sur le stand de la galerie afin de mettre en valeur leurs qualités sculpturales, selon Alma Luxembourg, associée de la galerie. « Ils font partie de ses œuvres les plus radicales, si ce n’est les plus radicales [de l’artiste] », note-t-elle. Et d’ajouter : « J’ai l’impression qu’il a vraiment poussé sa pratique au bord du précipice avec ces œuvres, puis qu’il est revenu. »
Independent New York, jusqu’au 11 septembre, Battery Maritime Building, New York.