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« L’engouement pour les émaux de Limoges ne se dément pas »

Les émaux de Limoges n’ont rien perdu de leur éclat. La galerie Kugel en fait la démonstration cet automne à Paris en réunissant plus de 70 pièces – plats, plaques, boite et même cuiller – réalisées au XVIe siècle dans les ateliers limousins.

Alexandre Crochet
5 décembre 2025
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Ensemble d'émaux signés Jean de Court. Photo : Guillaume Benoit

Ensemble d'émaux signés Jean de Court. Photo : Guillaume Benoit

Rassemblées par Alexis, Nicolas et Laura Kugel, la plupart de ces pièces à l’iconographie religieuse ou mythologique, en grisaille ou en couleurs, et affichées entre 1 000 euros et plus de 1 million d’euros, ont déjà trouvé preneur. Une exposition exceptionnelle assortie d’un somptueux catalogue. Entretien avec Laura Kugel.

Pourquoi avoir sous-titré cette exposition sur les émaux de Limoges, « Immarcescibles » ?

C’est un très joli mot dont j’ignorais la signification, et que nous avons trouvé dans un poème de Théophile Gautier des années 1850, un poème dédié à l’un des émailleurs de l’époque, où il écrit une ode aux émaux. Et le mot signifie « qui ne se flétrit pas, qui ne se fane pas », et reste éternel, ce qui convient bien à la surface de ces émaux, très résistante et qui traverse le temps.

Qui étaient les créateurs de ces pièces ?

Avant tout une demi-douzaine d’ateliers familiaux, dynastiques, qui, génération après génération, travaillaient chacun avec leurs spécialités. Comme Pierre Raymond, Léonard Limosin, Jean Limosin, Jean-Paul Limosin… Ce savoir-faire se transmettait de manière très fermée, chacun essayant de se distinguer des autres tout en gardant les secrets d’atelier. Beaucoup de pièces sont même signées, et nous montrons une création d’une artiste femme, Suzanne de Court. La Frick Collection, à New York, va lui consacrer une exposition en 2026 ou 2027, parce qu’ils possèdent beaucoup de ses œuvres. C’est rarissime de pouvoir organiser une exposition qui mette en exemple une artiste femme connue qui signait de son nom au XVIe siècle !

Vue de l'exposition « Immarcescible. Les émaux de Limoges de la Renaissance et leurs collectionneurs », galerie Kugel. Photo : Guillaume Benoit

À quel moment les émaux de Limoges ont-ils été à la mode ?

Tout d’abord lors de leur création, à la Renaissance, bien sûr. Mais, aux XVIIe et XVIIIe siècles, ils passent un peu de mode, sauf auprès de quelques grands collectionneurs avisés. Ensuite, quand les musées français voient le jour dans le contexte postrévolutionnaire, et que l’art de la Renaissance y est exposé, surgit un renouveau de l’intérêt pour ces pièces, porté par la vague des néostyles au XIXe siècle. Dans la seconde moitié du siècle, les grandes expositions universelles les présentent. Des familles prestigieuses, notamment les Rothschild, leur consacrent des vitrines. Plus récemment, ils ont été portés par la saga des grands couturiers. Hubert de Givenchy en a acheté très tôt, dès les années 1970-1980, quand leur prix était bas. Il les présentait dans l’armoire Apollon de Boulle. Quand vous alliez dîner chez lui, paraît-il, le meuble restait fermé, mais quand les convives repassaient après le repas, elle était ouverte pour pouvoir admirer cette collection, c’est-à-dire purement par attrait esthétique. Vendus ensuite à Alexis et Nicolas Kugel, l’armoire et son contenu ont été présentés sur leur stand en 1994 à la Biennale des antiquaires à Paris… et Pierre Bergé en a fait l’acquisition dès l’ouverture. Cet ensemble a plus tard été dispersé lors de la vente de la Collection Yves Saint Laurent – Pierre Bergé en 2009 chez Christie’s. Le cheik Al-Thani a acheté des pièces lors de cette dispersion pour recréer des cabinets dans l’esprit des Rothschild, à l’Hôtel Lambert [que la famille Al-Thani a racheté puis revendu depuis, ndlr]. Le contenu de l’Hôtel Lambert a été dispersé en 2022 chez Sotheby’s…

Maître MP, boîte cylindrique montée en argent doré, vers 1540, galerie Kugel. Photo : Guillaume Benoit

Vous avez inauguré l’exposition en octobre pendant Art Basel Paris, un choix qui peut surprendre…

Notre clientèle pour ces pièces est principalement américaine. Ils sont en rivalité les uns avec les autres. Nous avons une fois n’est pas coutume décidé de mettre des points rouges en cas de ventes, comme sur les foires… Venant d’Art Basel Paris, ils ont été surpris de voir le succès des émaux de Limoges ! Les Américains sont très sensibles à ces œuvres-là, à la rareté des objets de la période de la Renaissance française…

Cet engouement actuel nous a permis de constater que des mécanismes se répètent siècle après siècle, que ce soit de la part de personnes de très bon goût ou travaillant dans le champ de la création. Les émaux de Limoges, très bien représentés dans les musées outre-Atlantique, sont aussi une aventure américaine. De grandes fortunes éclairées comme J.P. Morgan, Henry Clay Frick, ou William Thompson Walters et Henry Walters, dont la collection se trouve au Walters Art Museum de Baltimore, ont beaucoup apprécié ces objets-là. Au point que, quand en 1915 ou 1916, Frick a acheté dans la succession de J.P. Morgan un groupe d’émaux de Limoges, qui est présenté aujourd’hui à la Frick Collection, soit environ de 35 pièces, il a payé près de dix fois le prix de L’Extase de saint François de Giovanni Bellini appartenant au même musée new-yorkais, et considéré comme l’un des plus beaux tableaux anciens conservé aux États-Unis. Aussi, les Américains connaissent généralement déjà ces objets, car ils les voient dans leurs musées, souvent créés par ces grands collectionneurs du pays, quand ces derniers n’ont pas légué leurs collections au Met ou à d’autres institutions. Ce must have existe donc bel et bien dans leur imaginaire de l’art européen… Aujourd’hui, comme nous le retraçons dans l’introduction du catalogue, les amateurs apprécient de pouvoir s’inscrire dans cet héritage, cette prestigieuse généalogie tant américaine qu’européenne.

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« Immarcescible. Les émaux de Limoges de la Renaissance et leurs collectionneurs », jusqu’au 20 décembre, Galerie Kugel, 25, quai Anatole France, 75007 Paris, www.galeriekugel.com

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