Le dynamisme de la scène artistique parisienne ne se mesure pas seulement à l’arrivée des plus importantes enseignes internationales qui font de la capitale française l’une de leurs têtes de pont. Il ne se mesure pas seulement non plus aux succès des foires, Art Basel Paris en tête, et aux œuvres à plusieurs millions qui se vendent sur les stands des grandes galeries. Il se mesure aussi par toutes les micro-initiatives qui soutiennent la création la plus émergente, les démarches pointues et exigeantes, qui s’intègrent dans les marges et inventent leurs propres marchés.
À Paris et dans sa région sont apparues au cours des dernières années une multitude de nouvelles structures fondées par des artistes et/ou des curateurs qui donnent à la scène parisienne une nouvelle profondeur. Ainsi Agence de voyages propose depuis octobre 2024 des expositions dans un appartement situé en étage au 66, boulevard de Strasbourg, dans le 10e arrondissement de Paris, à l’initiative de l’écrivain, enseignant et curateur Stephan Steiner. L’exposition actuellement présentée (jusqu’au 6 décembre 2025), intitulée « On the Mirror Stage », confronte l’œuvre de Klaus Merkel à celles de Monika Baer, Mimosa Echard et David Medalla. Les peintures du premier naissent d’un dialogue avec d’autres formes, empruntées à son propre travail ou puisées dans son environnement. Elles trouvent un écho dans Angoisse mythique (2024) de Mimosa Echard, avec sa structure en grille et ses collages colorés, mais aussi dans les masques du Philippin David Medalla, artiste majeur décédé en 2020, et dans les compositions de Monika Baer.
Autre lieu, fondé à Montreuil cette année par César Kaci et Élise Fourché, Pony est à la fois ouvert à l’art émergent et établi, accueillant aussi bien des artistes locaux qu’internationaux, un espace où les flux se croisent, de l’exposition à la performance, de la lecture aux DJ sets. Pony se veut aussi ouvert aux pratiques commerciales en mutations. Après deux premières expositions, cet ancien garage transformé en white cube accueille, jusqu’au 1er février 2026 et sous le titre « Secret work for Secret Places », une nouvelle série d’œuvres de Franck Scurti. Conçues à partir de fragments trouvés dans la rue, les pièces sont métamorphosées par un code couleur et agrémentées de périphrases sibyllines empreintées au monde du cartoon. Les cimaises du 40 rue Parmentier ne deviennent qu’un espace de présentation temporaire avant que les pièces ne soient activées dans des lieux de vie publics, du café au supermarché. « Ce projet ne propose pas une esthétique de la disparition, mais une politique du retrait actif, explique Franck Scurti. L’œuvre devient alors l’indice d’un rapport social, pas un produit fini. Elle existe dans le résidu, dans l’intervalle, dans ce que le capitalisme culturel rejette : l’invisible, l’attente, l’inutile, l’absence de profit. C’est une contre-visibilité poétique ». Et une alternative énergisante…