Alors que le Printemps asiatique, manifestation dévolue aux arts orientaux, bat son plein cette semaine à Paris, l’un des plus éminents marchands dans cette spécialité organise sa dernière exposition à Saint-Germain-des-Prés. Christian Deydier a en effet décidé de fermer les portes de sa galerie de la rue de Seine à l’automne prochain, « le temps de faire les papiers, les cartons, classer les stocks et les archives dont la bibliothèque, le tout dispatché vers des entrepôts », confie-t-il. Il se repliera sur sa deuxième galerie située à Hongkong, tout en gardant une résidence secondaire à Venise.
Parmi les principales raisons qui ont poussé l’ancien président du Syndicat national des antiquaires (SNA) à cette décision figurent de menues contrariétés administratives. Tout d’abord, la lenteur du Service des musées de France à accorder des licences d’exportation qui mettent de plus en plus souvent un délai « aberrant » à arriver, dit-il, alors que la loi stipule un délai maximal de deux mois. De quoi compliquer des transactions ou même des prêts pour des expositions… Autre sujet de préoccupation : la nouvelle législation européenne qui doit entrer en vigueur le 28 juin 2025 en matière d’importation dans l’UE pour les pièces de plus de 200 ans d’âge. Il faudra désormais produire documents et facture d’origine en cas de revente, ce qui est souvent difficile pour les pièces archéologiques les plus anciennes. « Ce système rend les choses de plus en plus compliquées pour ce type de commerce », commente-t-il.
Le grand marchand préfère se remémorer ses faits de gloire. Diplômé en langue et civilisation chinoises de l’Université de Paris, il a étudié, à l’Université de Tai Ta à Taipei, l’archéologie chinoise avant de se spécialiser dans l’étude des jiaguwen, « première forme connue de l’écriture chinoise, gravée sur carapaces de tortues et os de buffles, datant de la dynastie des Shang [XIII-XIIe siècles avant J.-C.] ». En 1976, à 26 ans, il publie son premier ouvrage sur ce sujet, publié par l’École française d’Extrême-Orient. Expert à Drouot dès 1980, ce grand spécialiste des bronzes archaïques ouvre ensuite une galerie à Londres puis, à la fin des années 1990, à Paris.
« J’ai fait les plus belles Biennales des Antiquaires, celles avec François-Joseph Graf ou Karl Lagerfeld [en tant que décorateurs] », se félicite-t-il, regrettant ces années fastes. Celui qui a beaucoup donné de pièces aux musées se réjouit encore d’avoir vendu, au grand dam des meilleurs marchands britanniques, la collection Meiyintang de 800 porcelaines, vaste ensemble dont une partie se trouve aujourd’hui dans le fonds du Museum Rietberg à Zurich, en Suisse.
Du 4 au 21 juin 2025, Christian Deydier consacre, sous le titre « Le Qi », une ultime exposition à sept objets uniques et exceptionnels, dont un splendide cheval marchant en bronze chinois de la dynastie des Han orientaux (25 à 220 après J.-C.) ou un exceptionnel bodhisattva assis des dynasties Song ou Jin (fin du Xe-début du XIIe siècles) pour lequel un modèle similaire est conservé au Metropolitan Museum of Art à New York. Il s’agit, selon lui, du « cadeau d’adieu de l’antiquaire français que j’étais et ce n’est pas sans un pincement au cœur que je vais pratiquer mon métier, ma passion sous d’autres cieux ».
Le « Qi » ou la « Force vitale », du 4 au 21 juin 2025, Galerie Christian Deydier, 30, rue de Seine, 75006 Paris, www.deydier.com