Les amateurs étaient nombreux à arpenter les allées de La Mamounia et de l’espace DaDa, à l’ouverture de la foire 1-54 Marrakech le 30 janvier 2025. Des collectionneurs privés y ont côtoyé des institutions internationales tels que le MoMA de New York, la Tate de Londres ou le Centre Pompidou de Paris. « On sent que les collectionneurs viennent davantage dans une logique d’acquisition que de découverte », estimait la galeriste marocaine Myriem Himmich, présentant les artistes Valérie Ohana, Zineb Mezzour et Bouchra El Menjra. Pour cette 6e édition, l’équilibre a été maintenu entre les galeries du continent africain (13 au total dont 9 basées au Maroc) et les galeries européennes ou étrangères. Certaines, à l’image de l’enseigne parisienne Loeve & Co, habituée des éditions de la foire de Londres ou de New York, est venue dans la ville ocre pour la première fois. Le pari de présenter des artistes modernes, dont Roland Dorcély, semble avoir porté ses fruits : après avoir été acquis par le Centre Pompidou lors de l’édition londonienne de la foire, une toile de l’artiste haïtien a séduit un collectionneur privé pour 25 000 euros. Parmi les nouvelles venues, l’enseigne milanaise C + N Canepaneri s’est distinguée en proposant un solo show de l’artiste nigériane Chigozie Obi dont les toiles sont proposées à des prix allant de 3 000 à 6 000 euros. Pour leur première participation à une édition de la 1-54, les galeries Farah Fakhri, fondée en 2022 à Abidjan, et Abla Ababou, créée en 2017 à Rabat, ont mis en avant un choix précis d’artistes. Si la seconde n’a exposé que des Marocains, parmi lesquels figuraient la plasticienne Fatiha Zemmouri et le peintre Ilias Selfati – qui bénéficiait d’une exposition personnelle en off de la foire à la galerie Tindouf –, l’enseigne ivoirienne a proposé une programmation éclectique incluant l’Ivoirien Chada, dont les deux tapisseries présentées mêlant textile, sérigraphie et peinture, ont trouvé acquéreur dès les premières heures. Habituée des foires internationales, notamment celles d’Abou Dhabi ou de la Menart Fair, la galerie tunisienne Le Violon Bleu a répondu au souhait de Touria El Glaoui, la directrice de la 1-54, d’inclure de l’art moderne dans le programme général. « L’Afrique commence par le Maghreb », rappelle la fondatrice de la galerie, Essia Hamdi, présentant des œuvres de Aly Ben Salem, pionnier de l’École de Tunis que les visiteurs semblent étrangement bouder, et des gouaches sur papier des artistes marocaine et algérienne Chaïbia Talal et Baya (55 000 euros pour la première, 17 000 euros pour la seconde). Deux toiles de Farid Belkahia (à 90 000 euros) ont attiré un musée de stature internationale n’ayant pas encore intégré d’œuvres du fondateur du groupe de Casablanca dans ses collections, mais elles ont finalement été acquises par des collectionneurs privés. Pour sa deuxième participation à l’édition de Marrakech, la galerie casablancaise African Arty, fondée par Jacques-Antoine Gannat, a parié, elle aussi, sur un artiste moderne toujours en vie : le peintre et sculpteur Abderrahmane Rahoule, ancien étudiant et directeur des Beaux-Arts de Casablanca, présentant toiles, sérigraphies et sculptures. Sa pièce maîtresse en terre cuite patinée de 1980, Tour(18 000 euros), a rejoint une collection privée. Associée à la galerie sénégalaise Atiss Dakar, habituée de la foire, la galerie japonaise space Un a exposé deux toiles peintes avec des pigments naturels de l’artiste Aliou Diack, dont la dimension pariétale a frappé de nombreux visiteurs.

1-54 Marrakech 2025. Courtesy Mohamed Lakhdar
Une foire d’émergents ?
De son côté, l’espace DaDa a offert l’opportunité à des galeries émergentes de participer à la foire à un niveau plus accessible. La galerie Hunna Art, fondée en 2021 dans la ville de Koweït, a permis de découvrir les travaux féministes de jeunes artistes, tels que l’Égyptienne Amina Yahia ou la Franco-Marocaine Maïssane Alibrahimi, dont les sculptures et les installations réalisées parfois en sucre ont aussi donné le ton d’une édition moins tournée que précédemment vers les arts textiles.
Qualitativement, cette 6e édition a d’ailleurs frappé par la force plastique des œuvres exposées, délaissant les poncifs du black portrait au profit d’une plus grande diversité formelle. Si l’harmonie a été maintenue entre galeries africaines et galeries étrangères, un équilibre se cherche encore entre les enseignes émergentes pour lesquelles l’édition de Marrakech représente souvent un tremplin et les galeries plus habituées des foires internationales, telles que la Gallery 1957 d’Accra, dont deux œuvres des artistes ghanéens Amoako Boafo et Gideon Appah ont été acquises par la Tate. La galerie parisienne Afikaris, participant aussi Art Genève aux mêmes dates, a privilégié à Marrakech des artistes marocains tels qu’Omar Mahfoudi et Mouhcine Rahaoui dont toutes les œuvres exposées ont trouvé acquéreur.