Hurly-Burly. Rachel Whiteread, Phyllida Barlow & Alison Wilding
À l’origine de « Hurly-Burly », le seul désir de trois sculptrices, amies de très longue date, de se trouver réunies, sans avoir à discuter ensemble du choix des œuvres. En dépit de la modestie affichée du propos, les œuvres de Phyllida Barlow, Alison Wilding et Rachel Whiteread dialoguent bel et bien au sol ou sur les murs. Whiteread, s’écartant un temps des moulages qui sont sa marque, s’oriente vers un art de l’assemblage qui la place légèrement en retrait face aux subtils jeux de matière et de formes de Wilding ou à la puissance des sculptures de Barlow. Celle-ci nous saisit avec modernsculpture, sorte de bouquet de cornières d’acier plantées en oblique, surmonté de boucles en forme de 3 et enrichies de coulées de mortier, de mousse polyuréthane et de coulées de peinture rouge. Non loin de cette pièce, Wilding expose Dramonia, à mi-chemin de l’objet et de la créature, sorte de structure de rangement en lamelles de stratifié, portée par des serpents d’acrylique qui se tordent et sous laquelle sont glissés des globes de bronze. Contre l’un des murs se déploie Untitled (Climber), de Whiteread, guirlande de branches d’arbre et de lattes branches unifiées par une peinture blanche. À travers ces trois seules œuvres, on peut lire comme trois approches devant l’héritage moderniste : de la confrontation directe à l’esquive ou au jeu
Du 19 janvier au 4 mars 2023, Gagosian, 4 rue de Ponthieu, 75008 Paris

Vue de l’exposition « David Salle : Tree of Life, This Time with Feeling », à la galerie Thaddaeus Ropac à Paris. Courtesy Thaddaeus Ropac et l’artiste. Photo : Charles Duprat
David Salle : Tree of Life, This Time with Feeling
« Tree of Life, One more with Feeling » marque la conclusion de la série Tree of Life de David Salle, ou du moins le croit-on. Chacune des œuvres de la série reprend en grand un dessin ou une combinaison de dessins de Peter Arno (le plus célèbre des illustrateurs du New Yorker entre les années 1920 et 1960) avec en son centre un arbre qui structure et barre la composition ou, plus rarement, deux arbres qui l’encadrent, arbres peints dans la manière d’Arno. À chacun des tableaux est attachée sur le bord inférieur une bande peinte horizontale, sorte de prédelle, où flottent des motifs empruntés tantôt à Picasso, tantôt à Matisse ou à l’abstraction gestuelle ou, peut-être même, à Salle lui-même. Ces panneaux, dans lesquels souvent s’enracinent l’arbre ou les arbres de vie hautement symboliques, se substituent aux légendes disparues des dessins humoristiques, et figurent l’inconscient des personnages aussi bien que celui de l’artiste. Rendant une nouvelle fois hommage à un créateur qu’il admire et dont les images l’ont durablement marqué, David Salle parachève sa fresque sociale en nous parlant du couple, de l’inspiration ou du jugement dernier, derrière un masque et dans un bouleversement des catégories esthétiques. Un portrait intime avec sentiment et sur un ton de comédie.
Du 21 janvier au 4 mars 2023, Thaddaeus Ropac, 7, rue Debelleyme, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Willa Wasserman : TS CLEF », chez High Art. Courtesy High Art et l’artiste
Willa Wasserman : TS CLEF
Dans son beau texte de présentation, Andrea Abi-Karam, poète, nous invite à « pénétrer dans la Rave lumineuse de Willa Wasserman », façon surprenante d’ouvrir à cet univers désirant, amoureux, et aux trans, filles ou garçons qui l’habitent, mais dont le raffinement pictural paraît loin des images qu’on associe à la musique électronique. Personnages faisant l’amour ou qui, nues ou à moitié, nous fixent de façon un peu fière, un peu lasse. Willa Wasserman emploie des techniques rares comme la pointe d’argent et, outre la toile, peint sur de grandes ou petites plaques de cuivre. Traits de constructions visibles, traits multipliés, lacunes dans la peinture, autant de caractéristiques qui donnent aux figures un caractère instable, non fixé, à quoi s’ajoutent les jeux de reflets sur le cuivre. En dépit du naturel des scènes et des postures, ces effets d’esquisse et de lumière nous évoquent la peinture symboliste (Odilon Redon ou Gustave Moreau) et quand un médaillon convexe vient se poser sur une des moulures de la galerie, celle-ci prend des allures de palais.
Du 17 décembre 2022 au 11 février 2023, High Art, 1 rue Fromentin, 75009 Paris

Vue de l’exposition « Hugo Pernet : Poisson rouge », à la galerie Philippe Valentin. Photo : Grégory Copitet
Hugo Pernet : Poisson rouge
On ne résume pas une exposition de Hugo Pernet, tant celui-ci se plaît à varier les approches, et à concevoir ses accrochages comme des montages d’images et de motifs, s’autorisant même à glisser un œil de côté entre deux hommages de mémoire à Henri Matisse (et peut-être à Patrick Caulfield). Ce qui fait l’unité de l’œuvre, c’est l’affirmation d’un sujet peignant, d’un rapport au monde par le pinceau ou la brosse, et qui permet de rapprocher des questionnements et des expérimentations techniques, de simples observations ou d’attention à des petites choses. Dans la dizaine d’œuvres exposées, deux nous paraissent caractéristiques de la manière qu’a parfois l’artiste de se situer devant l’abstraction. L’un, titré Grande et petite forme, superpose un rectangle noir bordé d’une bande jaune sur sa gauche à un rectangle jaune bordé de noir (lui aussi sur sa gauche). Le rectangle et la bande du bas sont un peu plus grands, les contours ne sont pas tout à fait droits si bien qu’au lieu d’être une œuvre à programme, ce tableau est comme l’expression d’un sentiment envers l’abstraction. Unpleasant Situations est divisé en quatre parties inégales, avec des lignes obliques, un trait vertical qui change de couleur, un peu de barbouillage bleu clair posé sur un fond vert comme une tentative de repeint. Deux façons de donner forme à l’incertain.
Du 21 janvier au 4 mars 2023, Galerie Philippe Valentin, 9 rue Saint Gilles, 75003 Paris