L’artiste Christo est décédé le 31 mai, à l’âge de 84 ans, à son domicile de New York. Son prochain grand projet, l’empaquetage de l’Arc de Triomphe, à Paris, avait été retardé d’un an en raison de la crise du coronavirus. Il devait être réalisé en septembre 2021, même si son maintien reste à confirmer après la disparition de l’artiste.
Christo Vladimirov Javacheff est né en Bulgarie le 13 juin 1935 – le même jour que Jeanne-Claude Denat de Guillebon, née, elle, au Maroc. Christo a étudié à l’Académie de Sofia de 1953 à 1956 puis brièvement à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, avant de s’installer à Paris en 1958, où il peint des portraits pour gagner sa vie. C’est en réalisant celui de la mère de Jeanne-Claude qu’il rencontre celle qui va devenir sa partenaire. Le couple collabore sur leur premier projet commun en 1960. Ils empaquettent alors des barils dans le port de Cologne. Deux ans plus tard, ils créent leur première intervention parisienne, Rideau de Fer, bloquant la rue Visconti avec des barils de pétrole, en guise de protestation contre le mur de Berlin.
Au fil des ans, leurs projets deviendront de plus en plus ambitieux. Christo et Jeanne-Claude se sont fait connaître en empaquetant des bâtiments publics et des monuments, en particulier le Pont Neuf à Paris en 1985 et le Reichstag à Berlin en 1995. « Comme la sculpture classique, tous nos projets d’empaquetage ne sont pas des constructions fixes ; ils bougent avec le vent, ils respirent, confiait Christo dans un entretien à l’édition internationale de The Art Newspaper. Le tissu est très sensuel et accueillant ; c’est comme une peau. » Les installations du couple ont pris de nombreuses formes, ponctuant Central Park, à New York, de plus de 7 500 portes drapées de tissu, érigeant simultanément des milliers de parapluies à travers deux vallées au Japon et en Californie, installant du polypropylène rose flottant autour de onze îles de Key Biscayne, en Floride, ou créant une passerelle flottante sur les eaux du lac d’Iseo, en Italie.
Après le décès de Jeanne-Claude, d’une rupture d’anévrisme en 2009, les œuvres ont continué d’être attribuées aux deux artistes. Ils laissent un fils, Cyril Christo, photographe, cinéaste et militant des droits des animaux. Dernièrement, Christo avait à nouveau porté son intérêt sur les barils de pétrole utilisés plus tôt dans sa carrière. En 2016, il avait ainsi créé un « mastaba » de forme rectangulaire à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence et un autre en 2018 dérivant sur le lac Serpentine, à Londres. « J’aime le baril comme objet ; c’est quelque chose de très courant pour le transport de marchandises, depuis les petites canettes jusqu’aux gros tonneaux, avait-il alors expliqué dans un entretien. Ils sont industriels, peuvent être de différentes couleurs, de différentes sortes et sont extrêmement simples, magiques et difficiles à expliquer. C’est une forme sculpturale extraordinaire. »
Le couple finançait lui-même ses projets, grâce à la vente de dessins préparatoires, de plans et par des collectes de fonds. « J’aime être absolument libre, totalement irrationnel sans devoir justifier ce que j’aime faire, affirmait-il. Pour rien au monde, je n’abandonnerai un centimètre de ma liberté. » En 2017, l’artiste avait annulé un ambitieux projet aux États-Unis consistant à recouvrir 42 miles de la rivière Arkansas avec du tissu argenté – après avoir passé 20 ans à le planifier et dépensé 15 millions de dollars pour le préparer – parce qu’il refusait de réaliser ce projet sous la présidence de Donald Trump. « [Son administration] est propriétaire des sols, avait alors déclaré Christo au New York Times. Je ne peux pas faire un projet qui profite à ce propriétaire. »
Sa dernière exposition, « Christo et Jeanne-Claude. Paris ! », qui devait ouvrir au public le 18 mars au Centre Pompidou, à Paris, avait été reportée du fait de la crise sanitaire. Dans l’impossibilité de venir dans la capitale, il avait visité son parcours centré sur les années 1958 et 1964 par vidéoconférence. Après la disparition de l’artiste, Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou, a déclaré : « Christo était un grand artiste, capable de donner à notre quotidien une profondeur nouvelle. Un Enchanteur. C’était aussi une magnifique personne alliant audace, détermination et une profonde humanité. »
« C’est pour Sophie Duplaix, commissaire de l’exposition que nous devions ouvrir déjà le 18 mars dernier, nos équipes et moi-même, une profonde tristesse, a témoigné Bernard Blistène, directeur du musée national d’art moderne - Centre Pompidou. Nous avions travaillé passionnément avec Christo et les siens à ce projet dont il rêvait comme à la préparation de l’empaquetage de l’Arc de Triomphe auquel il tenait tant. J’ai aujourd’hui une pensée pour Jeanne-Claude qu’il rejoint pour l’éternité. Ils avaient fait de leurs vies un destin. Puisse l’exposition que nous ouvrirons le 1er juillet rendre hommage à cette œuvre exceptionnelle, à la croisée de toutes les disciplines et si essentielle à l’histoire de l’art de notre temps. »
Notre mensuel The Art Newspaper Édition française a publié en octobre 2019 l’un des derniers entretiens avec l’artiste, à retrouver sur notre site.