Kwame Brathwaite, l’activiste et photographe pionnier dont le travail a contribué à définir l’esthétique du mouvement « Black is Beautiful » à partir des années 1960, est décédé le 1er avril 2023, à l’âge de 85 ans. Son fils, Kwame Brathwaite Jr, a annoncé la mort de son père dans un post Instagram, déclarant notamment : « Je suis profondément attristé de partager la disparition de mon Baba, le patriarche de notre famille, notre roc et mon héros ».
L’œuvre de Kwame Brathwaite a fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part des conservateurs, des historiens et des collectionneurs ces dernières années. Sa première grande rétrospective institutionnelle, organisée par la Fondation Aperture, a été inaugurée en 2019 au Skirball Cultural Center de Los Angeles avant une tournée américaine.
Kwame Brathwaite, Untitled (Garvey Day, Deedee in Car), vers 1965, tirage daté de 2018. Courtesy of The Kwame Brathwaite Archive
Kwame Brathwaite, originaire d’une famille d’immigrés de la Barbade, est né à New York le 1er janvier 1938, dans ce qu’il appelle « la République populaire de Brooklyn », bien que sa famille ait déménagé à Harlem, puis dans le South Bronx lorsqu’il avait 5 ans. Il a fréquenté la School of Industrial Art, devenue la High School of Art and Design et a mentionné deux événements déclencheurs qui l’ont attiré vers la photographie. Le premier s’est produit en août 1955, lorsqu’à l’âge de 17 ans, il découvre la photographie obsédante de David Jackson représentant Emmett Till brutalisé dans son cercueil ouvert. Le second survient en 1956 lorsque, après avoir cofondé avec son frère l’African Jazz Art Society and Studios (AJASS), Kwame Brathwaite voit un jeune homme prendre des photos dans un club de jazz sombre sans utiliser de flash. Son esprit s’enflamme, dès lors, pour les possibilités offertes par la photographie.
À l’aide d’un appareil moyen format Hasselblad, il s’empare de cette méthode de prise de vue, apprenant à travailler avec une lumière limitée de manière à améliorer la narration visuelle de ses images. Il ne tarde pas à développer une technique de chambre noire qui enrichit et approfondit la façon dont la peau noire apparaît dans ses photographies, perfectionnant cette pratique dans une petite chambre noire de son appartement de Harlem. Kwame Brathwaite a, par la suite, photographié des légendes du jazz qui se produisaient dans les années 1950 et 1960, parmi lesquelles Miles Davis, John Coltrane, Thelonious Monk et bien d’autres. « Vous voulez saisir le sentiment, l’ambiance que vous ressentez lorsqu’ils jouent, a-t-il déclaré à Tanisha C. Ford pour un article du magazine Aperture en 2017. C’est le truc. Vous voulez capturer cela. »
Kwame Brathwaite, Untitled (Photo shoot at a school for one of the many modeling groups who had begun to embrace natural hairstyles in the 1960s), vers 1966, tirage daté de 2017. Courtesy of The Kwame Brathwaite Archive
Au début des années 1960, avec le reste de l’AJASS, Kwame Brathwaite a commencé à mettre à profit ses prouesses en matière de photographie pour s’opposer aux normes de beauté eurocentrées qui défendaient une esthétique exclusivement blanche. Le groupe a imaginé le concept des modèles Grandassa, de jeunes femmes noires que Brathwaite photographiait en célébrant et en accentuant leurs traits. En 1962, l’AJASS organise « Naturally '62 », un défilé de mode dans un club de Harlem, le Purple Manor, qui met en scène ces modèles. Ce défilé sera organisé régulièrement jusqu’en 1992. En 1966, Kwame Brathwaite épouse Sikolo, une mannequin Grandassa rencontrée dans la rue l’année précédente alors qu’il lui demandait s’il pouvait prendre son portrait. Ils resteront mariés jusqu’à la fin de sa vie.
Kwame Brathwaite, Untitled (Sikolo Brathwaite, Orange Portrait), vers 1968, tirage daté de 2020. Courtesy of The Kwame Brathwaite Archive
Dans les années 1970, Kwame Brathwaite s’intéresse de plus en plus à d’autres formes de musiques populaires noires. En 1974, il se rend en Afrique avec les Jackson Five pour documenter leur tournée. La même année, il a également photographié le match de boxe historique « Rumble in the Jungle » entre Mohamed Ali et George Foreman dans ce qui est aujourd’hui la République démocratique du Congo. À cette époque, Kwame Brathwaite a aussi photographié Nina Simone, Stevie Wonder, Sly and the Family Stone, Bob Marley et d’autres légendes de la musique. C’est au cours de ces années que le photographe est passé du moyen format au 35 mm.
Au cours des décennies suivantes, Kwame Brathwaite a continué à explorer et à développer son style photographique, toujours dans l’optique « Black is beautiful ». En 2016, la Philip Martin Gallery à Los Angeles a commencé à le représenter. Il a continué à honorer des commandes jusqu’en 2018, année où il a photographié l’artiste et styliste Joanne Petit-Frère pour le New Yorker.
Kwame Brathwaite, Untitled (Hands in the Shape of a Unity Symbol), vers 1971. Courtesy of The Kwame Brathwaite Archive
Un portrait publié en 2021 dans le New York Times à l’occasion de la rétrospective que lui a consacré le Blanton Museum of Art d’Austin, au Texas, indiquait que l’état de santé du photographe était tel qu’il n’avait pas pu être interviewé pour l’article. Une exposition intitulée « Kwame Brathwaite : Things Well Worth Waiting For » est actuellement présentée à l’Art Institute of Chicago, jusqu’au 24 juillet 2023.